A l’occasion de la mort de Mamadou Konté, promoteur d’Africa Fête, Gilles de Staal revient dans un ouvrage sur sa rencontre avec celui qui inspira François Béranger dans sa chanson dénonçant le colonialisme français « Mamadou m’a dit ». L’histoire de cette rencontre, c’est surtout l’histoire de ce groupe, issu de la LCR dans les années 70, qui se nommera ultérieurement Révolution Afrique. A partir des interventions dans les foyers immigrés, il développera un travail qui aura des répercussions tant en France qu’en Afrique.
Le succès de ce groupe tient à son type d’intervention politique, qui, pour mener les luttes sur les conditions de vie dans les foyers, va promouvoir les assemblées générales et les comités de lutte qui seront en totale rupture avec les structures en place, reproduisant le système hiérarchique des villages. Cette façon de procéder sera aux antipodes des interventions des différents groupes maoïstes, qui eux, s’adapteront aux règles coutumières régissant la vie dans les foyers. C’est ainsi que des jeunes vont émerger, devant mener deux luttes de front, la bataille contre l’administration des foyers, ce que l’on appellera le colonialisme à domicile, et les hiérarchies africaines en place, plus portées sur les compromis avec les autorités.
Ce livre s’attarde avec finesse et subtilité sur ces jeunes militants, qui seront pris entre deux feux: celui la lutte, de la liberté, et de l’autre, la fidélité aux modes de vies dans les campagnes africaines. Les années 70, ce sont aussi des années de luttes contre le colonialisme portugais sur le continent africain, les luttes contre l’apartheid, et aussi les luttes sociales comme au Sénégal, au Mali, au Congo ou à Djibouti.
C’est dans ce dernier pays que va apparaître une organisation, le MPL qui se réfère explicitement à Révolution Afrique au niveau de son orientation politique. Cette organisation deviendra rapidement un parti de masse, promouvant dans les idées et les faits, l’égalité entre hommes et femmes, parti qui sera capable de déjouer à plusieurs reprises les provocations favorisant les dissensions ethniques. Le MPL sera décimé par une répression violente, conduite par le responsable de la sécurité intérieure Mohamed Guelleh, celui qui est actuellement à la tête du pays et qui est impliqué dans l’assassinat du juge Borrel. Les années 80 marqueront le déclin de cette organisation qui aura, au moment de son fait, rassembler plus d’une centaine de militant(e)s. La question de l’implantation de ces militants sur le continent africain marquera la fin de cette épopée, dans une période où les termes des rapports de force s’exprimeront différemment.
Ce livre, au-delà de sa clarté et de son analyse sociologique pertinente, nous fait découvrir et partager les combats d’une génération de militant(e)s dont la lutte contre le colonialisme à domicile se confondait avec la lutte pour le socialisme en Afrique.
Paul Martial