Gilles Candar et Jean-Numa Ducange, spécialistes de l’histoire de la gauche, ont eu la bonne idée de republier Paul Lafargue. Ce dernier est surtout connu pour avoir été le gendre de Karl Marx et pour avoir écrit le Droit à la paresse, pamphlet au titre encore aujourd’hui provocateur. Sa personnalité et ses écrits sont pourtant loin de se réduire à ces deux faits d’armes.
Les deux historiens rappellent qu’il fut en son temps un théoricien et un militant qui prit une part active dans la diffusion des idées de Marx en France et dans la création d’un mouvement socialiste français.
Après une introduction dans laquelle ils resituent vie et activités de Lafargue, ils proposent des textes regroupés en trois chapitres. Le premier reprend les célèbres Droit à la paresse (1880-1883) et La religion du capital (1886). Le deuxième rassemble des textes consacrés à l’Histoire et à la Littérature, notamment une critique cinglante de la « légende de Victor Hugo ». Le troisième est constitué de divers articles écrits pour des journaux socialistes. Candar et Ducange nous donnent à voir un personnage complexe à la pensée originale. Farouchement anticlérical, il fut l’un des premiers au sein du mouvement socialiste à s’intéresser à l’égalité des femmes, considérant le mariage comme un asservissement.
Internationaliste fervent à une époque où la gauche a des accents patriotiques, il discute avec Jaurès, influence Guesde, fait preuve parfois d’une certaine intransigeance, voyant ainsi d’un mauvais œil l’engagement dreyfusard. Il participe à la fondation de la SFIO mais s’intéresse au syndicalisme révolutionnaire et condamne la nomination de ministres socialistes.
Un livre passionnant qui éclaire pensée et parcours d’un homme engagé qui a fait des erreurs tout en restant jusqu’au bout un révolutionnaire sincère. Sylvain PattieuTallandier, Collection texto, 430 pages,10 euros.