La taxe carbone qui pèsera sur les ménages mais dont de nombreuses entreprises seront exonérées, ne permettra pas de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle risque, en revanche, de provoquer un rejet des politiques écologiques chez les travailleurs. Réorganiser la société pour répondre à l’urgence climatique, ne peut se faire que par des mesures prenant en compte les besoins sociaux.
L a Contribution climat énergie, communément appelée taxe carbone, sera effective, en France, dès le 1er janvier 2010. Elle portera sur les consommations finales de combustible fossile (fioul, gaz, charbon) et de carburant (gazole, essence). Son niveau est fixé, dans un premier temps, à 17 euros par tonne de CO2 émise. Concrètement, cela correspondra à 5 centimes d’euro supplémentaires par litre de carburant, à une hausse de 7 % de la facture de fioul ou 15 % de la facture de gaz. En pleine période de crise, ce qui pourra paraître un effort négligeable pour les foyers aisés sera vécu comme une véritable amputation du budget disponible des ménages les plus modestes. Et ce n’est qu’un début puisque cette taxe est évolutive. Dès 2030, son niveau devrait être porté à 100 euros par tonne de CO2.
Pour les particuliers, la taxe doit être compensée par la distribution d’un « chèque vert » dont le montant est fixé à 34 euros par adulte et 23 euros par mineur pour les ménages urbains, et à 43 et 28 euros, pour les ménages ruraux. Mais ces sommes ne dépendent pas des revenus des ménages. Un couple composé de deux salariés payés au Smic touchera exactement le même « chèque vert » que le couple payant l’impôt de solidarité sur la fortune et ayant bénéficié du bouclier fiscal.
De nombreuses dérogations pour les entreprises
Tous les ménages seront mis à contribution… y compris les très bas revenus, pour qui l’effort sera très important. En revanche, de nombreuses dérogations ont été accordées à différents secteurs. En premier lieu, l’électricité a été totalement exonérée de taxe. Et pourtant, l’électricité, notamment utilisée à des fins de chauffage, est loin d’être neutre en émissions de gaz à effet de serre. Cette dérogation accordée à un vecteur énergétique particulier n’est finalement qu’un geste de promotion d’une industrie polluante, et notamment du nucléaire.
Il a également été décidé d’exonérer l’intégralité des secteurs soumis aux quotas de CO2 alors même que ces quotas ont été cédés gratuitement et en nombre suffisant pour qu’aujourd’hui les entreprises s’enrichissent en les vendant. Ensuite, ce sont les transporteurs routiers, les agriculteurs, les pêcheurs et toutes les activités économiques fortement consommatrices d’énergie qui ont obtenu des dérogations.
Ce gouvernement fait encore la preuve, s’il en était besoin, que la défense des intérêts des capitalistes passe, de très loin, avant ceux des travailleurs et des plus démunis.
Une politique de culpabilisation
À travers la mise en œuvre de cette nouvelle taxe, c’est bien une logique de culpabilisation qui prévaut dans la politique climatique actuellement défendue par le gouvernement. Le choix de faire porter la politique de réduction des consommations énergétiques, et donc des émissions de gaz à effet de serre, par une augmentation des prix des énergies est le signe d’un grand cynisme. Dans cette logique, la hausse du prix des énergies est censée provoquer une réduction des consommations des ménages. Cette politique pourrait être efficace si le but recherché était de s’attaquer au gaspillage. Mais d’un côté son montant est trop bas pour avoir des effets sur la consommation des ménages les plus aisés et de l’autre, de nombreuses personnes éprouvent déjà des difficultés à combler leurs besoins élémentaires en énergie pour se chauffer, se déplacer, obtenir de l’eau chaude, s’éclairer, cuisiner…
En revanche, elle augmentera le nombre de ménages se trouvant en situation de précarité énergétique, alors qu’on dénombre déjà environ 5 millions de familles qui restreignent leur consommation de chauffage pendant la période hivernale, avec toutes les conséquences sanitaires que cela peut entraîner.
Finalement, cette politique laisse la population dans l’impasse en la contraignant à payer une surtaxe sur sa consommation énergétique sans lui donner les moyens de la faire baisser durablement. Plutôt que d’être une aide aux changements structurels nécessaires, cette nouvelle taxe est une punition pour les ménages obligés d’utiliser leur voiture pour aller travailler : ménages rejetés des centre-ville à cause des loyers, travailleurs en 3x8 ou en horaires décalés…
Une politique dangereusement démobilisatrice
Promouvoir cette politique socialement injuste, c’est prendre le risque d’un rejet général des politiques climatiques par les travailleurs qui de plus ne se mobiliseront pas pour imposer des mesures d’urgence. C’est parce que nous prenons au sérieux la menace climatique qu’il nous semble nécessaire de ne pas rendre impopulaires les politiques de réduction des consommations énergétiques.
Pour atteindre les objectifs fixés par le Groupe international d’experts sur le climat en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, des bouleversements majeurs seront nécessaires dans l’organisation de nos sociétés. Ceux-ci ne pourront pas se faire sur le dos des travailleurs, qui doivent au contraire en être à l’initiative. Il est temps que les travailleurs s’emparent de ces questions et élaborent eux-mêmes leurs propres revendications, en alliant urgence sociale et climatique.
Une autre politique climatique est possible
Que ce soit face à la crise économique que les populations les plus précaires subissent aujourd’hui de plein fouet, ou face à la crise écologique, et particulièrement climatique, dont les effets se font déjà sentir et iront croissant, les gouvernements capitalistes tentent d’imposer des mesures antisociales. Nous devons donc avancer la possibilité d’une alternative socialement juste et capable de répondre aux défis écologiques.
Pour ne prendre que l’exemple des consommations énergétiques, nous devons axer nos revendications sur la nécessité de répondre avant tout aux besoins sociaux de la population, mais en prenant en compte les impératifs écologiques de réduction drastique des consommations énergétiques. C’est pourquoi nous devons revendiquer la socialisation des grands groupes énergétiques (EDF, GDF-Suez, Total, Areva…). La réappropriation de leurs bénéfices (20 milliards de dollars rien que pour Total en 2008) permettrait de rendre gratuite la consommation énergétique socialement indispensable avec une augmentation exponentielle des tarifs au-delà, mais aussi le financement d’un grand plan de réhabilitation des logements. Les crédits de la recherche devraient également être réorientés vers les énergies renouvelables.
Dans le domaine des transports de personnes, la réduction rapide des consommations énergétiques ne sera possible qu’à la condition de mettre en œuvre un grand plan de développement des transports en commun gratuits et l’encadrement des loyers dans les centre-ville pour permettre aux travailleurs de revenir y vivre.
À la logique des écotaxes, nous devons opposer la nécessité d’une planification écologique cherchant à répondre aux besoins sociaux : une planification écosocialiste. Celle-ci doit être l’œuvre des travailleurs et des usagers. Elle nécessite donc l’appropriation sociale des principaux moyens de production afin de pouvoir décider ce qu’on produit, dans quelles conditions et à quel prix.