Comment la violence éducative ordinaire la pervertit depuis des millénaires, Olivier Maurel, 356 pages, Laffont, 20 euros
Non, ce n’est pas un livre plein de bons sentiments. Cela vaut le coup d’aller au-delà du titre, alors que cette question s’est imposée dans le débat public par le biais inattendu de la proposition de loi d’une députée sarkozyste. Il s’agit d’un réquisitoire solidement charpenté contre toutes ces formes de violence et leurs conséquences individuelles (mal-être, vulnérabilité aux accidents, addictions…) et aussi sociales : incapacité à s’opposer à l’autorité, insensibilité à la souffrance de l’autre, dont on retrouve l’expression exacerbée dans l’Allemagne nazie et au Rwanda… L’auteur dresse un état des lieux qui fait froid dans le dos des châtiments encore pratiqués sur l’ensemble du globe. Pour lui, la maltraitance caractérisée n’est que la partie émergée de l’iceberg, tandis que la violence éducative ordinaire touche la quasi-totalité des enfants. Ainsi, dans une société qui trouve normales les « claques sur la couche », il y aura forcément des parents qui, « emportés par la violence qu’ils ont eux-mêmes subie, franchissent les crans supérieurs ». Olivier Maurel s’appuie sur divers travaux scientifiques, qui établissent tant l’absence d’agressivité des mères envers leurs petits chez les grands singes, que les conséquences néfastes du stress de l’enfant soumis à la perturbation du lien d’attachement à sa mère sur le développement des lobes frontaux. L’auteur ne néglige aucun aspect de la question : de l’empreinte culpabilisatrice des religions à la lente progression de la conscience de l’inhumanité des châtiments corporels dans la littérature, en passant par les revirements théoriques de Freud, l’état des lieux des positions en présence chez les psychothérapeutes… Une somme solidement charpentée qui ne saurait laisser indifférent
Pierre Vandevoorde