Les lois sécuritaires ne sont pas l’apanage de la droite, mais elles sont surtout un instrument pour réprimer les nouvelles « classes dangereuses ».
Depuis la loi Vaillant sur la sécurité quotidienne, votée fin 2001 après les attentats du 11 septembre, le dispositif législatif s’est considérablement durci. Une vingtaine de lois ont été votées allant toutes dans le même sens : pénalisation à outrance de tous les délits de la misère, mise à l’écart définitive d’une partie de la population, criminalisation de la jeunesse, des sans-papiers, de ceux et celles qui résistent, fichage de la population…
Les lois sécuritaires ont deux objectifs : contenir les populations inutiles pour l’ordre économique, les classes non laborieuses (chômeurs, jeunes des cités, immigrés, mendiants, prostituées, nomades) conçues comme des classes dangereuses et traiter pénalement les questions sociales en mettant la justice aux ordres. Dans cette logique, la répression s’abat prioritairement sur les habitants des quartiers populaires et particulièrement les jeunes.
De nombreuses lois sécuritaires depuis 2001
La loi Vaillant sur la « sécurité quotidienne », du 15 novembre 2001 introduit la pénalisation du « rassemblement dans les halls d’immeuble » ou le délit de fraude dans les transports, comme la facilitation des fouilles des véhicules et des contrôles d’ identité.
Concernant les mineurs, la loi Perben 1, du 9 septembre 2002, entérine la création de centres fermés et les comparutions à délais rapprochés ainsi que les sanctions éducatives dès 10 ans (13 ans précédemment). La loi Sarkozy, du 18 mars 2003, sur la « sécurité intérieure » va continuer ce qui avait été commencé par un ministre d’un gouvernement socialiste. En effet, cette loi instaure une pénalisation de la pauvreté en créant plusieurs nouveaux délits concernant les mendiants, les prostituées et les nomades, et prévoit l’augmentation des pouvoirs policiers. Le rassemblement dans les halls d’immeuble devient passible d’une peine de prison. Et les comparutions immédiates sont étendues alors que les jugements en procédure immédiate sont les plus injustes. En effet, à « délit égal », la peine est entre 1/3 et 2/3 supérieure dans les jugements en comparution immédiate par rapport à une procédure classique. Et ce sont ceux qui ont le moins les moyens de se défendre qui passent en comparution immédiate, car mal conseillés, mal défendus et souvent sans garantie de représentation au sens où l’entend la justice bourgeoise.
La loi Perben 2, sur la « criminalité organisée », du 9 mars 2004 augmente les cas de détention provisoire, donne des pouvoirs policiers considérables en garde à vue à l’occasion de nombreux délits (séquestration, vol, coups et blessures, dégradation, recel) et crimes en bande organisée (72 heures sans avocat, perquisitions domiciliaires en enquête préliminaires, écoutes, pose de micro et caméra autorisée).
Quant à la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance, elle l’énonce clairement, les populations ciblées sont les personnes en difficulté économique, familiales ou sociales. De façon scandaleuse, le lien est créé entre difficultés sociales, éducatives ou matérielles et délinquance, et ainsi apparaît une sorte de « présomption de délinquance ». Le secret professionnel est mis à mal car la loi prévoit que « tout professionnel de l’action sociale qui intervient au profit d’une personne présentant des difficultés sociales, éducatives ou matérielles en informe le maire ».
La loi de juillet 2009 sur les bandes et les cagoules renforce ce dispositif et vise particulièrement les jeunes des quartiers populaires.
Les lois sur la récidive adoptées l’une en décembre 2005, l’autre en août 2007 avec la mise en place des peines planchers et la dernière, fin 2009, complètent l’arsenal répressif et vont avoir un impact considérable sur les quartiers populaires.
Pour les majeurs, en cas de récidive légale (répétition d’un délit ou d’un crime identique ou appartenant au même groupe que celui déjà jugé), le juge doit appliquer un minima de peine d’emprisonnement (à l’exclusion de toute alternative) dès le deuxième délit sauf à justifier que le condamné présente des circonstances exceptionnelles d’insertion. Et, notamment dans les procédures d’urgence, les juges qui n’ont ni le temps ni les moyens de prédire l’absence de récidive appliquent systématiquement les fameuses peines planchers. Cela peut donner deux ans de prison pour détention de 30g de stupéfiant ou trois ans pour un vol de parapluie.
Pour les mineurs, les peines plancher s’appliquent aussi quel que soit l’âge du jeune (de 13 à 18 ans). À partir de 16 ans, les mineurs peuvent être condamnés comme des majeurs. L’excuse de minorité qui divise par deux la peine encourue ne s’appliquent plus aux plus de 16 ans, sauf exception fortement justifiée.
Concrètement, ce sont des quartiers entiers qui se reconstituent dans les prisons car avec ces différentes lois et notamment celle sur la récidive, on va retrouver en détention beaucoup de jeunes. Il y a ceux qui, faute de boulot vivent du petit trafic, ceux qui sont livrés à eux-mêmes sans possibilité de se projeter dans un avenir. Et la conséquence de cette situation, c’est que beaucoup vont passer leur temps à rentrer et sortir de prison, toujours sans aucun avenir.
Il faut souligner l’augmentation de la détention, on comptait au 1er juillet 2009, 64 250 détenus pour 51 000 places. Le taux moyen de surpopulation carcérale est de 140 %. La France est condamnée régulièrement pour les conditions dégradantes de détention. Le chiffre des suicides en prison est terrible : plus de 110 suicides l’an dernier et depuis janvier 2010 le suicide de deux mineurs de 16 ans.
La prison reste une zone de non-droit et la justice y envoie sans état d’âme des pans entiers de la population.
Volonté de punir
Au lieu de traiter les problèmes de fond qui touchent les quartiers populaires comme la précarité, le surchômage, notamment celui des jeunes, et les discriminations liés au nom, à la couleur de la peau et au quartier de résidence, des délits spécifiques ont été créés pour la partie de la population qui subit le plus les dégâts causés par le libéralisme et le capitalisme.
Le projet de code pénal de la justice des mineurs qui devrait être adopté en juin constitue une profonde régression et un projet dangereux pour la jeunesse. Il met en place une justice parfois plus sévère que pour les majeurs : la sanction, la peine, la condamnation deviennent la règle et l’éducation un simple habillage. La volonté d’éduquer est remplacée par la volonté de punir. Au lieu de miser sur l’éducation, c’est l’exemplarité de la sanction qui est mise en avant.
Sans attendre ce nouveau code, la philosophie éducative de l’ordonnance de 1945 est déjà attaquée par la mise en place des centres fermés pour mineurs, l’ouverture des établissements pénitentiaires pour mineurs, la suppression massive des foyers éducatifs et des centres d’insertion de la Protection judiciaire de la jeunesse.
Même si nous savons que la justice est une justice de classe, le NPA doit être à l’offensive sur les conséquences de ce dispositif répressif, notamment à l’encontre des jeunes et des habitants des quartiers populaires.
Si nous avons entendu ces dernières semaines de nombreuses dénonciations des conditions de garde à vue, il faut savoir que cela fait des années que lorsqu’on habite dans certains quartiers, on subit ces conditions de garde à vue dégradantes et violentes. Si nous nous réjouissons que celles-ci soient enfin dénoncées, nous regrettons qu’il faille que les militants et classes moyennes soient touchés pour qu’enfin on parle de ce scandale.
De même le scandale des contrôles d’identité répétés parfois plusieurs fois par jour à l’encontre des mêmes jeunes ne peut être passé sous silence.
Dans l’immédiat, le NPA demande l’abrogation de toutes les lois sécuritaires, la suppression du fichage de la population, la dépénalisation de l’usage de stupéfiants. D’une façon plus générale nous sommes pour la légalisation du cannabis afin de mettre fin à la pénalisation de la détention et l’usage du cannabis.
Anne Leclerc