Pour une gauche du xxie siècle, fière et forte de sa diversité culturelle
La lutte contre le racisme et les discriminations est un enjeu majeur pour (re)construire une gauche de transformation sociale véritablement implantée au cœur des classes populaires. Cette question stratégique a jusqu’à présent été largement ignorée au sein du mouvement ouvrier « traditionnel ». Influencé par le discours républicain dominant qui interdit toute politisation des questions jugées « minoritaires » ou « identitaires », il a longtemps refusé de reconnaître la dimension raciale (et sa traduction politique et culturelle) des inégalités sociales. Outil au service de la classe dominante, le racisme sert à « diviser pour mieux régner » celles et ceux qui ont objectivement le plus d’intérêt à s’unir, en essentialisant et en hiérarchisant les différences entre populations pour en faire des antagonismes irréductibles. Mais cette instrumentalisation ne doit pas mener à nier les spécificités qui existent bel et bien au sein des catégories populaires. Parler de la question « raciale » ne revient pas à oublier la question sociale. La question raciale est une question sociale à part entière, autant que politique, économique et culturelle. La classe ouvrière n’a jamais été homogène, en termes de statuts, d’origines et d’identités, c’est l’expérience partagée qui lui a parfois donné une unité objective et subjective. Aujourd’hui, dans les quartiers populaires notamment, c’est une réalité « cosmopolite », un « arc en ciel [qui] n’a pas six couleurs mais dix-huit » comme l’explique le slammeur : hommes et femmes, précaires et fonctionnaires, blancs et noirs, arabes et asiatiques, musulmans et athés, né-e-s ici et ailleurs, etc. Tenir compte de cette diversité n’est pas contradictoire avec l’objectif de son unification, mais cette dernière ne peut se réaliser en faisant abstraction de ses conditions réelles d’existence. Si on veut l’unir, il faut pouvoir proposer des perspectives à tou-te-s, y compris du point de vue de leurs identités plurielles et de leurs combats spécifiques. Cela doit se traduire dans le programme et les revendications que nous défendons autant que dans les mouvements et mobilisations que nous participons à construire.
Exiger/Revendiquer, entre autres :
o l’égalité des droits, de circulation, d’installation, de vote ou d’éligibilité pour tou-te-s, quels que soient sa nationalité, sa culture ou son lieu de naissance ;
o l’égalité des droits et de l’accès pour tout-e-s à l’éducation, à la santé, au logement, à l’emploi, à la retraite... et à tous les services publics, sous peine de sanctions pour les entreprises et les administrations contrevenantes ;
o la mise en place de politiques éducatives reflétant et respectant toutes les histoires, les mémoires et les héritages culturels ;
o la reconnaissance des crimes commis par la France pendant la colonisation et la fin des politiques impérialistes et néocoloniales menées et/ou soutenues par ce pays actuellement.
Construire/(Se) mobiliser pour, parmi d’autres :
o la semaine anticoloniale en février ; les commémorations du 8 mai (massacres de Sétif et Guelma) et du 9 mai (abolition de l’esclavage) ;
o la journée mondiale de lutte contre le racisme du 21 mars ;
o les mobilisations du 17 octobre (en souvenir de 1961).
Danièle Obono