Florence Aubenas a voulu se rendre compte de ce que signifiait réellement la crise pour ceux qui la vivaient au quotidien. Elle a quitté provisoirement la rédaction du Nouvel Observateur pour se rendre à Caen. Munie du CV d’une femme de 48 ans n’ayant pas travaillé depuis vingt ans, elle s’est présentée à Pôle emploi pour chercher du travail. Partie du principe qu’elle arrêterait son enquête dès qu’on lui proposerait un CDI (elle ne voulait pas prendre le travail de quelqu’un), son livre retrace ses six mois de galère. Écrit comme un journal, son témoignage relate les difficultés pour les moins qualifiés de trouver un poste. Lorsqu’elle postule pour un job de caissière, le conseiller Pôle emploi lui explique qu’il s’agit là d’un travail pour le haut du panier, alors qu’elle « est plutôt le fond de la casserole ». Après deux mois, elle obtient quand même plusieurs CDD de quelques heures par semaine pour faire le ménage dans des entreprises et sur un ferry. Elle nous fait partager la vie des personnes les plus fragilisées, l’invisibilité imposée aux personnels de ménage, les difficultés pour se rendre sur le lieu de travail lorsqu’on n’a pas de véhicule, les formations bidons, les contrats de trois heures qui se traduisent dans la réalité par cinq heures de travail, mais aussi l’éloignement de ces travailleurs précaires de la politique, le peu de prise des syndicats... Mais ce livre qui ne cède pas au pathos, raconte également la solidarité, la fierté de celles et ceux qui mettent un point d’honneur à réaliser correctement leur tâche... On y rencontre des figures attachantes comme Mimi, la transsexuelle qui bosse sur le ferry et qui est acceptée par tout le monde, Victoria, l’ancienne syndicaliste et bien d’autres. Ce livre donne envie de se battre et interroge sur la manière de le faire dans une société où la survie au jour le jour est le lot de millions de travailleurs précaires.Dominique AngeliniVoir l’interview de Florence Aubenas dans Tout est à nous ! La Revue n°11.
Éditions de l’Olivier, 276 pages - 19 euros