L'histoire de nous dit pas encore si elle retiendra le nom d’Éric Woerth. Ou si elle le retiendra comme celui d’un corrompu dont les déboires illustrent une fois encore la consubstantialité de la haute bourgeoisie et des hommes du pouvoir. Ou encore si elle retiendra le nom du ministre de Sarkozy pour avoir abattu une très grande conquête sociale, la retraite par répartition.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit ! Tous les beaux discours gouvernementaux sur le sauvetage de notre système de retraite peinent à masquer une réalité moins glorieuse. On nous martèle qu’on vit plus vieux, qu’il faut donc travailler plus longtemps, mais en réalité, ce sont des périodes de chômage de plus en plus longues qui attendent de plus en plus de travailleurs. En réalité, si elle s’impose, la contre-réforme Woerth-Sarkozy va créer une situation nouvelle pour une large frange de la population qui sera contrainte d’avoir recours aux assureurs privés pour espérer compléter ses maigres pensions de retraite. Un cadeau de plus aux requins de la finance qui vont enfin pouvoir faire du profit à grande échelle avec l’argent des retraites.
En somme, le gouvernement prétend sauver la retraite par répartition alors qu’il agit pour la tuer. Cela suffit en soi à exiger le retrait de ce projet de loi. Et c’est sur ce point nodal que peut se faire l’unité la plus large de la gauche politique, syndicale et associative. Sur ce point que peut se nouer le rapport de forces et s’organiser le bras de fer avec le pouvoir. C’est possible car la population rejette massivement cette loi. Les directions des principales centrales syndicales n’appellent évidemment pas à la grève générale, mais il faut répondre massivement à leur appel pour le 7 septembre et en faire une grande journée de grève et de mobilisation.
Dans le cadre de sa préparation, partout où cela est possible, il faut poser la question de la reconduction. Le mouvement doit monter en puissance le plus vite possible et c’est le rôle des militants syndicaux et politiques anticapitalistes d’agir en ce sens. Cela suppose de savoir marier unité et combativité, de proposer la mise en place des structures démocratiques d’organisation de la lutte par en bas.
Si Sarkozy parvient à passer sur ce dossier, le rapport de forces entre les classes s’en trouvera considérablement dégradé, les outils de défense des travailleurs seront atteints dans leur fonctionnalité et donc affaiblis. La porte sera alors grande ouverte pour avancer une à une les mesures du super-plan d’austérité que concoctent Fillon et Sarkozy en lien étroit avec leurs homologues au pouvoir dans toute l’Europe.
À l’inverse, si la droite est défaite, la crise de régime qui en résultera permettra de poser la question du pouvoir et d’avancer les exigences populaires de façon plus offensive. Bien que sur le fond politique, le programme de Strauss-Khan et Aubry ne se démarque pas des politiques menées par la social-démocratie quand elle est au pouvoir à Athènes ou Madrid, les dirigeants socialistes cherchent à surfer sur la mobilisation pour préparer l’alternance. Pour notre part, nous voulons chasser la droite mais aussi battre sa politique. C’est la force de la mobilisation sociale qui peut permettre aussi de poser ce type de questions ; le pouvoir, ses formes, la politique que mènerait un gouvernement au service des classes populaires.
La loi sur les retraites, ce n’est pas seulement une contre-réforme de plus. C’est l’acte I d’une offensive généralisée contre les droits, les acquis, le niveau de vie de la majorité de la population. Pour les classes dominantes, la purge du système capitaliste est nécessaire pour restaurer les taux de profit. Et tant pis, si pour la première fois depuis les années 1930 dans les pays capitalistes développés, les conditions de vie se dégradent pour une très grande fraction de la population. Les mesures annoncées ou déjà mises en œuvre en Espagne, en Grèce, en Allemagne ou au Royaume-Uni ont de quoi effrayer. Geler ou baisser les salaires, les pensions de retraite, s’attaquer aux minima sociaux, augmenter la TVA, licencier des fonctionnaires, augmenter le nombre d’élèves par classe, fermer des lits d’hôpitaux, rembourser de moins en moins de médicaments, voilà le copieux menu de l’hyperaustérité. Il y aura ceux qui peuvent se payer les meilleurs médecins, une éducation de qualité, une retraite dorée et ceux qui auront un service social, de santé ou d’éducation minimum et qui n’auront qu’à se serrer la ceinture.
Cette histoire là n’est pas écrite à l’avance. Cela va dépendre de la puissance de la mobilisation pour y faire face. Vamos !
Fred Borras