Café de Flore, boulevard Saint-Germain, à Paris, mardi 30 novembre : dans ce petit écrin pour mondains friqués, BHL célébrait les 20 ans de la Règle du jeu, revue philosophique qu’il dirige et division blindée au service de la société de marché et de toutes les grandes causes impérialistes. Tout le petit monde intellectuel et artistique parisien s’y pressait. Vous me direz que tout ceci n’est pas très intéressant, et vous aurez raison. Mais c’était l’occasion rêvée de vous parler du double numéro 41/42 d’Agone, une revue d’un tout autre calibre. Consacrée pour l’essentiel à la question de la place et du rôle des intellectuels, elle déboulonne quelques figures (Sollers, Debray, Rosanvallon…), exhume des pièces du débat aujourd’hui indisponibles (Makhaïski, Rizzi…) et mène deux entretiens particulièrement intéressants avec Noiriel et Bouveresse. À signaler par ailleurs, la contribution d’Adam Garuet, intitulée Radical, chic et médiatique : Badiou, Zizek, Brossat, Vidal, il n’épargne personne ou presque, critiquant un vocabulaire souvent obscur et des jeux de langages déconnectés des luttes concrètes des classes laborieuses. Ce volumineux dossier réunit les éléments d’un débat que le NPA devra prendre à bras le corps s’il veut parvenir à se doter de capacités d’analyses et d’élaborations collectives qui ne soient pas confisquées par les professionnels de la pensée et par les réseaux universitaires en particulier. En accord ou non avec les conclusions exposées dans ce numéro, ce qui frappe avec cette revue, c’est sa grande qualité : exigence éditoriale, excellente tenue des contributions, elle se donne les moyens d’exposer ses arguments et de mener le débat, en particulier sur la place des intellectuels critiques. Avec une bonne dose d’autodérision, comme le démontrent les deux textes d’Alain Accardo – en particulier Sur l’action politique du penseur critique – qui invite à dépasser le seul « stade des idées » pour se plonger dans l’arène de la lutte des classes ! Henri Clément
288 pages, 22 euros