Il existe une bonne quinzaine de titres qui ont eu pour objectif de faire une présentation générale de la Révolution française, qu’il s’agisse de minces brochures ou de livres plus conséquents. Comme pour les illustrer, Jean-Numa Ducange et les éditions Démopolis ont eu la bonne idée de rééditer un des plus anciens de ces textes de formation, celui qu’écrivit en 1889, un des meilleurs marxistes de son époque, l’autrichien Karl Kaustky. Son petit livre, La lutte de classe en France pendant la Révolution, composé de courts articles, eut une diffusion importante dans les pays de langue allemande pendant des décennies, fut traduit dans de nombreuses langues et a eu une influence considérable. Pourtant, ce livre entraîna une réplique de Jean Jaurès, qui lisait couramment l’allemand. Cette réponse prit la forme d’un gros livre, l’Histoire socialiste de la Révolution française, dont la parution commença en 1901 en feuilleton dans l’Humanité. Kaustky et Jaurès, sans jamais polémiquer directement, étaient donc en net désaccord sur le sens de la Révolution française. Pour faire comprendre ces débats, Jean-Numa Ducange a sélectionné une série de courts textes de Jaurès qui font pendant à ce qu’écrit Kautsky. Le livre que préface Michel Vovelle rend donc compte d’un débat qui eut lieu avant la guerre de 1914 mais, ce qu’il y a de curieux dans cette affaire, c’est que nous sommes encore prisonniers de ce débat du siècle dernier. En effet, de nos jours, on retrouve chez les militants formés par les partis et syndicats de gauche au moins deux visions de la Révolution française et ce sont pour beaucoup celles formulées jadis par Kautsky et Jaurès : soit une révolution radicale, passionnante à étudier mais purement bourgeoise, dépassée, soit une révolution qui préfigure toutes les révolutions à venir et qui peut donc être arborée comme symbole par tous les partisans du progrès. Serge Aberdam Démopolis 2010, 250 pages, 21 euros