Publié le Samedi 14 juin 2025 à 16h00.

Andor, de Tony Gilroy

Depuis le rachat de la licence Star Wars par Disney, la saga a été tirée dans des directions souvent fades, aseptisées, incapables de retrouver la puissance d’évocation des premiers épisodes. Des productions calibrées, recyclant des figures mythologiques — les Jedi, les Sith, la Force — dans des récits convenus. C’est dans ce paysage stérile qu’Andor surgit comme un ovni.

Pas de sabres laser. Pas de duel métaphysique entre Bien et Mal. À la place, une ambiance grise, paranoïaque, profondément humaine. Andor suit les trajectoires de personnages broyéEs par la machine impériale. Il ne s’agit pas ici de héros prédestinéEs, mais d’individus ordinaires, précaires, qui se radicalisent dans un monde en train de se refermer.

L’Empire comme machine d’oppression

L’une des grandes réussites d’Andor, c’est de rendre l’Empire concret. Ici, il ne s’agit pas d’une abstraction politique ou d’un mal cosmique, mais d’une administration tentaculaire, d’une bureaucratie obsédée par l’ordre, d’une force coloniale exploitant des mondes entiers. À travers les yeux de Cassian Andor, on découvre l’enfance sous occupation, les pillages miniers, la criminalisation de la pauvreté, l’univers carcéral comme rouage de production.

La série dépeint l’exploitation capitaliste de manière explicite : travail forcé dans les usines-prisons, économie impériale fondée sur l’accumulation, répression de toute velléité d’autonomie locale. L’Empire, c’est le quotidien de la domination, dans ce qu’il a de plus systémique.

La naissance d’une conscience révolutionnaire

Mais Andor n’est pas seulement une série sur l’oppression. C’est une série sur la révolte. Ce qu’elle raconte, c’est le lent processus de radicalisation. Cassian n’est pas un militant dès le départ. Il veut fuir, survivre. Mais à force de voir ses proches emprisonnés, tués, humiliés, quelque chose se transforme.

Et il n’est pas le seul. Kino Loy, contremaître de prison, bascule dans la lutte. Maarva, sa mère adoptive, devient une figure de résistance. Et surtout Luthen Rael, stratège de l’ombre, qui nous rappelle Lénine par son sens de l’organisation clandestine, sa théorie de l’avant-garde et son rapport pragmatique aux réformistes.

Une série pour notre époque

Ce qui résonne avec force dans Andor, c’est son écho contemporain. L’Empire, c’est aussi l’État autoritaire, le néolibéralisme, la société de surveillance, les violences policières, la criminalisation des pauvres. Le fascisme n’y est pas une caricature, mais un processus froid, techno­cratique, efficace.

Radu Varl