De Victor Serge (1890-1947), qui traduisit Lénine et Trotsky en français, mais qui fut aussi une des figures les plus actives de « l’opposition de gauche » au stalinisme, on réédite régulièrement Ce que tout révolutionnaire doit savoir de la répression, publié pour la première fois en 1925, avec maintes pages aujourd’hui dépassées ou à actualiser, mais fondé sur une somme impressionnante d’expériences personnelles. Il les a relatées en cinq récits rédigés en URSS entre 1928 et 1931, après son arrestation et sa mise en résidence surveillée.
Deux d’entre eux furent saisis par la Guépéou et peut-être détruits, mais les autres, expédiés clandestinement et chapitre par chapitre pour être édités en France, y parurent entre 1930 et 1932. Leur intérêt historique et leurs qualités d’observation leur ont valu plusieurs rééditions (1967, 1980, 2004) avant celle que propose aujourd’hui Climats en trois volumes pouvant être lus ensemble ou séparément grâce aux préfaces de Richard Greeman (secrétaire de la Fondation Victor Serge à Montpellier), rappelant chaque fois les informations utiles à leur lecture.
Si Ville conquise, évocation terrible de Petrograd telle que Serge la connut en 1919, assiégée par les troupes blanches, emprunte au roman sa technique narrative, Naissance de notre force témoigne plus directement de sa participation au soulèvement libertaire de Barcelone en 1917 puis de sa détention dans un camp de concentration français jusqu’à la fin de la Grande Guerre. Dans le plus frappant de ces récits, les Hommes dans la prison, Serge ne retrace les cinq années qu’il eut à passer dans les geôles françaises pour propagande anarchiste, de 1912 à 1917, qu’afin de mieux analyser le système pénitentiaire et les moyens intellectuels et moraux d’y survivre. Prenantes et d’une rare pénétration, ces pages complètent Ce que tout révolutionnaire doit savoir sur la répression tout en forçant à réfléchir aux traitements que les prisons continuent d’infliger à leurs victimes actuelles.
G. B.
Climats, 250 pages, 18 euros