Le 23 août 1939, à Moscou, l’URSS de Staline et l’Allemagne d’Hitler signent un pacte de non-agression. Cette alliance entre le fascisme et le « pays du socialisme » laissa les mains libres à Hitler et désarma le mouvement ouvrier.
Dans un protocole secret, dont l’URSS niera l’existence jusqu’en 1989, les deux puissances se partagent l’Europe orientale. Le 1er septembre, la Wehrmacht envahit la Pologne, suivie le 17 septembre par l’Armée rouge. En totale négation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’URSS annexe la partie orientale de la Pologne, qui est rayée de la carte, les pays Baltes, indépendants depuis 1918, la Bessarabie, une province roumaine.
En application d’autres protocoles secrets, l’URSS fournit du blé et du pétrole à l’Allemagne nazie, lui livre des militants communistes allemands et autrichiens, coopère militairement avec elle contre la résistance polonaise… Bref, il s’agit bien d’une alliance entre Hitler et Staline, qui sera rompue par Hitler qui envahira l’URSS, en juin 1941.
Pour Hitler, l’intérêt du pacte est évident : après l’intermède polonais, il peut concentrer ses troupes sur le front occidental, contre les armées française et anglaise. Quant à Staline, les historiens se sont longuement interrogés sur les raisons de son alliance avec Hitler. Si le pacte permet à l’URSS de revenir aux frontières européennes de l’empire tsariste, il n’empêche pas la guerre et laisse l’URSS isolée contre une machine de guerre nazie plus forte. En tout cas, contrairement à une légende véhiculée par ses partisans anciens ou actuels, Staline n’utilisera pas ce répit de presque deux ans pour se préparer à la guerre contre Hitler. Malgré des avertissements venus de tous côtés, l’Armée rouge sera dans un état d’impréparation totale lors de l’attaque nazie, subissant dans les premiers mois d’effroyables pertes.
Le pacte prend complètement à contre-pied le mouvement communiste international, dont l’identité politique est, depuis l’été 1934, la lutte contre le fascisme et, après 1936, le soutien aux républicains espagnols contre le franquisme. Ce tournant politique à 180° provoque une profonde incompréhension et un immense désarroi : beaucoup de militants déchirent leur carte. Les appareils des partis communistes, contrôlés par Staline, approuvent, après un certain flottement, la nouvelle politique de Moscou, leurs dirigeants craignant pour leur poste et… leur vie.
Au parti communiste français, à l’époque un parti de masse de près de 300 000 membres ayant obtenu 15% des voix aux élections législatives de 1936, le trouble est énorme. 21 députés sur 72 quittent le parti. Le PCF est peu après interdit par le gouvernement de Daladier, dirigeant du parti radical avec lequel le PCF était allié sous le Front populaire. Appelé à Moscou fin 1939, Maurice Thorez défend la « politique de paix » de Staline, ce « grand génie dont toute l'activité se dépense au service exclusif du prolétariat international ». Il dénonce la guerre « impérialiste », auparavant qualifiée d’« antifasciste », déclarée par la France et l’Angleterre à l’Allemagne.
Minuit dans le siècle...
Après la défaite de juin 1940, le PCF appelle à lutter contre le régime de Vichy mais pas contre l'occupant nazi. La direction négocie, en vain, avec les autorités nazies d’occupation la parution légale du journal l’Humanité. Voulant obtenir la légalisation du parti, elle ordonne même à ses membres de sortir de la clandestinité. La police de Vichy en profite pour ficher et arrêter des milliers de militants communistes. Après juin 1941 et la rupture du pacte, le PCF deviendra « le grand parti de la résistance », mais ceci est une autre histoire.
Des historiens réactionnaires, comme Stéphane Courtois, coauteur du Livre noir du communisme présentent le pacte germano-soviétique comme la preuve que l’Allemagne nazie et l’Union soviétique étaient des régimes de même nature, totalitaires. Ceci a, semble-t-il, inspiré le Parlement européen qui a proclamé le 23 août, jour anniversaire de la signature du pacte germano-soviétique, « journée européenne de commémoration des victimes des crimes du stalinisme et du nazisme ».
L'URSS est devenue dans les années 1930 une dictature sanguinaire s’appuyant sur le travail forcé et la terreur. L’objectif de ses chefs n’est pas l’expansion de leur système, encore moins de favoriser les révolutions dans le monde entier comme à l’époque de Lénine et de Trotsky, mais de conserver leur pouvoir et leurs privilèges, par tous les moyens. Staline a d’abord recherché l’alliance avec les « démocraties occidentales » contre la menace militaire nazie. Sans succès, les impérialismes français et britannique étant irréductiblement opposés au système socio-économique de l’URSS, basé sur la propriété étatique des moyens de production et le monopole du commerce extérieur. Lors des accords de Munich en septembre 1938, plutôt que de faire la guerre à Hitler, ils préfèrent lui livrer la Tchécoslovaquie, une démocratie parlementaire qui est leur alliée. Alors, dans un mélange de realpolitik cynique et d’aveuglement, Staline s’allie à Hitler. Les peuples en ont payé le prix fort.
Lemmy K.