Éditions Rivages, 2023, 272 pages. 21 euros.
Pascal Dessaint signe un texte nerveux et puissant qui s’attarde sur des événements historiques qui ont marqué le bassin minier de Decazeville dans l’Aveyron à la fin du 19e siècle : la défenestration fatale de Jules Watrin, un cadre de « la compagnie » particulièrement détesté des mineurs et de la population, la longue grève qui s’ensuivit — 108 jours — et le procès de celles et ceux qui furent accusés du meurtre. Bien ancré dans notre époque, il livre incidemment une réflexion sur la violence dans le mouvement social.
Un homme est mort
De sa plume acérée, parfois clinique, souvent épique, Pascal Dessaint raconte une histoire violente. La violence, incontestable, de la mise à mort de Jules Watrin, quasiment lynché, frappé, malmené par une foule de prolétaires en colère, dont les plus déterminéEs finissent par le jeter par une fenêtre. Mais dès les premières pages, l’on choisit son camp. Le maire choisit son camp, les députés de gauche choisissent leur camp, l’auteur choisit son camp : la violence dont il est question ici est celle de l’exploitation infligée par la bourgeoisie à celles et ceux qui sont tenuEs de vendre leur force de travail pour survivre.
Cela nous vaut un récit détaillé de la lutte, où sont mis en avant — chacune et chacun d’entre elleux est nommé et identifié — celles et ceux qui mènent la grève, ou qui la soutiennent. L’engagement des journalistes de la presse de gauche est entier, leur verve et leur talent nous font rêver d’un temps où le langage de la lutte n’avait pas de ces précautions qui font de nos journaux actuels des recueils de textes mornes et plats !
Ah ! Zola !
La grève se termine le 14 juin, le procès commence le 15. Les accuséEs sont défenduEs par des avocats illustres, parmi lesquels plusieurs députés, dont un certain Millerand. Dans le prétoire, le ton rappelle celui des articles de l’Intransigeant, et surtout du fameux Cri du peuple. S’il y a violence, c’est celle de « la compagnie » qui asservit ses mineurs, ses ouvrierEs, les exploite de façon éhontée en les épuisant à la tâche pour des salaires de misère et se rend responsable de la mort de nombre d’entre eux, tant les accidents de mine sont fréquents. Cela évoque tellement Germinal que le nom de Zola est cité, sérieusement, comme un des inspirateurs des troubles qui agitent le bassin minier !
Encore une fois, cette fin de 19e siècle résonne en nous, tant la question de la violence y est abordée d’un point de vue de classe très salutaire, alors que l’intransigeance patronale, en y réfléchissant bien — très peu, en fait — nous renvoie évidemment à la macronie, arrogante et pleine de mépris.