Du 26 au 29 janvier s’est tenu le 44e festival de BD. Pas un succès de fréquentation, avec une baisse de 10 % par rapport aux éditions d’avant les attentats de 2015, mais une programmation de qualité...
Des expositions bondées et des récompenses incontestables qui ont effacé les couacs de l’édition précédente (absence de dessinatrices dans la liste des sélectionnés au Grand Prix, appel au boycott des auteurs et cérémonie de clôture affligeante de mauvais goût).
Sous le patronage de Will Eisner
Grand Prix du festival d’Angoulême dès 1975 (un an seulement après la naissance de l’événement), Eisner aimait Angoulême qui le lui rendait bien. Il était normal que, l’année du centenaire de sa naissance, la Cité internationale de la bande dessinée et le Festival unissent leurs efforts pour rendre hommage à l’un des géants de la bande dessinée du 20e siècle. Will Eisner connut en effet deux carrières. Créateur en 1940 du Spirit, référence indémodable en matière de bande dessinée policière, série à la fois palpitante, ironique et sexy, Eisner devint, trente ans plus tard, le plus éminent initiateur, avec Art Spiegelman, des graphic novels, ces romans graphiques qui ont révolutionné la bande dessinée mondiale. Will Eisner est décédé en 2005.
Des expositions époustouflantes
Outre, l’expo Will Eisner, les installations consacrées au Grand Prix 2016, le belge Hermann, à Valérian, le voyageur spatio-temporel inventé par Christin et Mézières et adapté au cinéma par Luc Besson (sortie en juin 2017) n’ont pas désempli. À noter que le buste de Valérian a été réalisé par Laurent (spécial clin d’œil), un ami de l’auteur de ces quelques lignes. Mais les visiteurs les plus avertis auront surtout été époustouflés par les 150 originaux du maître japonais Kuazuo Kaminura (1940-1986), créateur du « gekiga » : c’est un genre du manga spécifiquement destiné aux lecteurs adultes qui se distingue par la profondeur psychologique de scénarios sophistiqués mettant en scène un monde où l’élégance, la sensualité et la sexualité, sont au cœur des préoccupations.
Un Fauve d’or en or massif
Eric Lambé, 20 ans après son premier album, voit son travail récompensé par la remise du Fauve d’Or (meilleur album de l’année) pour Paysage après la bataille, un album à l’épure qui frise parfois l’abstraction et le dépouillement. Éric Lambé, avec Pierpont au scénario, parvient à nous rendre Fanny et les quelques autres résidents du camping du Ruisseau aussi vrais que si nous les connaissions avec leurs failles et faiblesses. Ces personnages nous touchent, nous interpellent, nous ébranlent dans nos certitudes, quand le silence s’efface pour laisser la magie du dessin opérer.
Cosey consacré par le Grand Prix
Le Suisse avait déjà eu des albums primés à Angoulême pour des épisodes de sa série Jonathan et pour des romans graphiques qu’il fut le premier à développer en Europe. C’est donc l’ensemble de son œuvre qui est aujourd’hui reconnu à un moment où Cosey, âgé de 66 ans, cherche à relancer sa carrière par l’adoption d’un noir et blanc révolutionnaire.
À découvrir à Angoulême en 2018...
Sylvain Chardon