Il n’a pas fallu attendre la 50e édition du festival de la BD pour que l’affaire autour des œuvres de Bastien Vivès fasse son bout de chemin. Les pétitions contre l’exposition Carte blanche originellement dédiée à Bastien Vivès, les tribunes dont celle publiée par le collectif « Les raisons de la colère » sur Mediapart, le lancement de l’Instagram MeTooBD ainsi que la presse, ont marqué un tournant dans le microcosme de la bande dessinée.
À la suite de la tribune « Les raisons de la colère », le collectif éponyme et le MeTooBD organisent plusieurs actions à destination du public. Impossible de manquer les collages : « Le respect n’est pas une censure », « Les enfants ne provoquent pas le désir : ce sont les adultes les coupables », « 96 % des incesteurs sont des hommes », « Pédocriminel, on te voit », « Survivante d’inceste, on te croit », « Pédopornographie : éditeurs complices, diffuseurs coupables », une citation issue du livre de Dorothée Dussy : « L’inceste est un des piliers du patriarcat » ou encore des témoignages issus du site bdegalite.org.
Table ronde sur la pédocriminalité
Pendant le festival et avec l’aide du Spin off, les collectifs organisent également une table ronde avec plusieurs invitées. La table ronde débute en visioconférence avec l’intervention de Iris Brey, docteure en théorie du cinéma et autrice. Sur scène, c’est Marie Bardiaux-Vaïente qui ouvre le bal, scénariste de bande dessinée et historienne, militante pour l’abolition universelle de la peine de mort et militante féministe anticarcérale. Elle est suivie par Anne-Laure Maduraud, juriste et ancienne juge des enfants, féministe. C’est ensuite Mirion Malle, autrice de bande dessinée engagée dans la lutte féministe qui prend la parole, puis Catherine Staebler, co-éditrice aux éditions Biscoto, qui publient notamment un journal mensuel à destination du jeune public.
Les intervenantes aux profils et personnalités complémentaires ont abordé avec pertinence les questions que suscite la représentation de l’inceste, de la pédocriminalité. Les interventions ont tourné autour de la loi et du pénal, de la censure, de la domination masculine dans le milieu, de ce dont on veut parler et de la manière dont on veut aborder les sujets difficiles, y compris auprès des enfants, sans oublier les réactions qu’ont suscité le simple fait d’en parler.
Le public est en majorité jeune dans la salle, et la table ronde se termine sous un tonnerre d’applaudissements. Le public salue la qualité des prises de parole qui ont été un soulagement, un vent de fraîcheur face aux discours habituels qu’on nous serine et qui rétrécissent un débat déjà stérile.
Offensive réactionnaire
Cependant certains n’ont pas attendu pour passer à l’offensive. Dès les premières contestations, des salves ont été tirées, allant des pontes de la bande dessinée à une certaine partie de la presse en passant par tous les quidams fervents défenseurs d’une liberté d’expression dénuée de substance. Il n’y aura pas de répit pour celles et ceux qui dénoncent courageusement le sexisme. Parmi les offensives réactionnaires, outre un débat organisé par le Point autour de la sexualité dans la bande dessinée (notons déjà que le terme « sexualité » est un choix malheureux lorsqu’on parle de viol d’enfant), on note également que « La 5e couche » a distribué gratuitement un fanzine intitulé « Les raisons de la colère », titre volontairement ambigu puisqu’il fait référence au nom de la tribune contestataire mais dont le contenu est en réalité une tentative de décrédibiliser les auteurEs engagéEs contre le sexisme en utilisant leurs dessins sans les en avoir informés. Des réponses sexistes face aux accusations de sexisme : le ton est donné.
Si Franck Bondoux, non content du débat organisé par le Point, semble vouloir remettre le couvert l’année prochaine, il n’en est pas moins des collectifs en lutte contre le sexisme et pour les droits des enfants dont le travail militant a ouvert un processus qui ne permettra pas qu’on retourne en arrière, qu’on retourne au silence.