Publié le Vendredi 25 janvier 2019 à 13h01.

Ayka

De Sergey Dvortsevoy, film kazakh, 1 h 50, sorti le 16 janvier 2019. 

Moscou, un hiver particulièrement froid et neigeux. Une jeune femme au visage asiatique s’évade de l’hôpital où elle vient d’accoucher. Elle souffre des séquelles de l’accouchement mais, malgré une hémorragie, court dans la neige pour rejoindre un sous-sol sordide où des femmes plument et conditionnent des poulets. Le patron fuit sans les payer. Ayka se remet à courir à travers Moscou en quête d’un travail. Un travail où on ne lui demandera pas de papiers en règle. Son téléphone ne cesse de sonner.

Course éperdue

Peu à peu se révèlent les éléments de l’histoire d’Ayka et les causes de sa course éperdue. Elle est ­kirghize : le Kirghizistan, ancienne république de l’URSS à la frontière chinoise, désormais indépendant, est rongé par la corruption et la misère, d’où une forte émigration vers la Russie. Venue à Moscou comme beaucoup de ses compatriotes, avec l’espoir de monter un atelier de couture, Ayka s’est endettée auprès d’usuriers ; en retard dans ses remboursements, elle est pourchassée par des gros bras : ce sont eux qui ne cessent de la menacer au téléphone. Les immigréEs, surexploitéEs au travail, sont aussi la proie de marchands de sommeil plus ou moins en cheville avec la police qui y trouve une source supplémentaire de revenu.

Sergey Dvortsevoy dit au départ avoir été inspiré par une statistique étonnante : « En 2010 dans les maternités de Moscou, 248 nouveaux-nés ont étés abandonnés par leurs mères venues du Kirghizistan [alors même que ce sont] des femmes issues d’une culture bâtie autour des liens familiaux ». Aucune lueur d’espoir ne semble devoir croiser la destinée d’Ayka. La performance de Samal Yeslyamova est remarquable et lui a valu un prix d’interprétation féminine à Cannes. À certains moments, l’addition des malheurs de son héroïne peut lasser les spectateurEs. Mais son histoire renvoie à la réalité des parcours des nombreuses femmes que l’immigration soumet à des épreuves encore plus dures que les hommes.

Henri Wilno