Samedi 18 mai, plusieurs dizaines de militantes féministes argentines montaient les marches du Palais des Festivals de Cannes en scandant « Solidarité avec les femmes du monde entier » ! Présentes à l’occasion de la projection du documentaire Que Sea Ley1 de Juan Solanas, qui retrace l’histoire de leur lutte pour l’avortement, elles ont défilé sur le tapis rouge, joyeuses et déterminées, pour porter la voix de milliers d’Argentines qui se mobilisent au quotidien depuis de longues années pour le droit des femmes à disposer de leur corps.
Avortements clandestins
« En Argentine, chaque semaine, une femme meurt des suites d’un avortement clandestin ». C’est sur ce chiffre alarmant que s’ouvre le film de Juan Solanas. Dans la loi argentine, l’IVG n’est autorisée qu’en cas de viol ou de danger pour la santé de la mère. Pourtant, les témoignages qui se succèdent à l’écran pendant plus d’une heure dressent un portrait tout autre de la réalité : les maltraitances médicales et les objections de conscience sont le lot quotidien des femmes qui tentent de recourir à un avortement à l’hôpital, même quand leur santé est menacée.
« Les riches avortent, les pauvres meurent »
L’accès à l’avortement et à la contraception est d’autant plus restreint pour les femmes des quartiers pauvres et des zones rurales. Juan Solanas illustre cette réalité de façon très juste. Les politiciens qui adoptent publiquement des positions anti-IVG n’hésitent pas à allonger les billets quand il s’agit de faire avorter leurs femmes ou leurs filles. Et pendant ce temps, celles qui n’ont que les moyens de recourir à des méthodes artisanales, clandestines et dangereuses, sont laissées pour mortes dans les couloirs des hôpitaux qui ne veulent pas les prendre en charge.
Un film (pas si) militant
Curieusement, Que Sea Ley ne donne jamais à voir la façon dont s’organise la lutte des femmes au quotidien. Les discussions politiques, les assemblées féministes, les rencontres nationales de femmes qui rassemblent chaque année plusieurs dizaines de milliers de personnes… tout cela n’apparaît pas dans le documentaire de Juan Solanas. Il ne cite même pas le nom de la Campaña Nactional por el Derecho al Aborto2, l’organisation féministe qui présente depuis 2005 les projets de loi pour la légalisation de l’avortement !
Mais en dépit de ces quelques faiblesses, Que Sea Ley reste une contribution précieuse. L’accès à l’avortement subit de nombreuses attaques à travers le monde, notamment aux États-Unis ces dernières semaines. Dans ce contexte, la lutte des ArgentinEs nous rappelle que le droit à l’avortement reste bel et bien, pour les femmes, une question de vie ou de mort. Aborto legal ya !
Lisa Derradji