Publié le Samedi 30 octobre 2021 à 19h00.

Comment saboter un pipeline, d’Andreas Malm

Éditions la Fabrique, 216 pages, 14 euros.

Andreas Malm, suédois, est maître de conférences en géographie humaine. Ce n’est pas seulement un universitaire, c’est aussi un militant écologiste actif. Ce qui donne à cet essai une réflexion pas seulement intellectuelle, parfois éloignée du terrain, mais bien en lien avec les préoccupations concrètes de celles et ceux qui luttent et qui cherchent des moyens efficaces. 

Il y a urgence (climatique)

Le constat de départ : c’est l’urgence climatique, la catastrophe environnementale, conséquences d’un système capitaliste qui abime tout. La question posée est comment, face à la situation qui s’aggrave et en partant de l’expérience des mobilisations passées et actuelles, on pourrait mettre en place des stratégies et des modes d’action capables de changer la donne.

L’auteur se questionne et discute sur la meilleure façon d’agir. Le mouvement contre la crise climatique possède une certaine expérience depuis une trentaine d’années, il est populaire et les générations les plus jeunes sont en grande partie sensibilisées. Ce mouvement est essentiellement pacifiste, certes il revendique souvent la désobéissance, parfois l’illégalité mais reste essentiellement non-violent. C’est cette non-violence qui le rend populaire mais qui, en même temps, semble en limiter son efficacité.

Est-ce que sans violence, on peut vraiment changer les choses ? Surtout quand le problème auquel on est confronté est un système économique et politique dominé par une classe possédante obsédée par ses profits et qui se moque clairement de la santé des populations et du sort de la planète. Est-ce que l’importance de l’enjeu, à savoir l’avenir de l’humanité, ne mériterait pas des formes de luttes plus radicales ?

La non-violence n’a jamais suffi

Andreas Malm revient sur les exemples de luttes, sur leurs formes, sur les stratégies utilisées. Le combat des suffragettes pour le droit de vote des femmes, celui des Indiens avec Gandhi contre le colonialisme britannique ou encore celui des afro-américains avec Luther King contre le racisme et l’apartheid des États-Unis, celui des luttes anticoloniales. Il répond à ceux qui disent que le pacifisme est garant d’efficacité. L’auteur n’est pas d’accord, il répond que la non-violence n’a jamais suffi, il défend l’idée que la colère, les révoltes, les actions radicales ont permis dans tous les cas de faire avancer les choses.

Il ne s’agit pas d’opposer luttes violentes et non-violentes mais d’en démontrer la complémentarité. Les formes de luttes dépendent beaucoup des réponses du pouvoir ou des classes dominantes. Mais au total, la radicalité dans les luttes compte beaucoup pour faire peur au pouvoir, pour le bousculer et au bout, pour obtenir le respect de l’intérêt général face à l’égoïsme d’une minorité.

Quelles stratégies adopter ?

L’auteur illustre son idée avec des exemples de mobilisations. Il distingue les casses de matériels des atteintes aux personnes. Il raconte par exemple comment les attaques contre les sièges des multinationales, les destructions d’engins de chantiers, les sabotages de pipelines ont été efficaces pour gagner certaines batailles.  

Il est assez rare de lire des livres qui traitent sereinement de la violence dans les luttes, de la nécessité même d’élaborer des formes de luttes radicales, de les justifier au regard de la brutalité des oppressions ou des urgences sociales ou environnementales.

Le problème est posé pour la période qui vient. Face à un capitalisme de plus en plus violent et destructeur, il devient urgent de réfléchir sur les stratégies à adopter dans les luttes pour qu’elles soient efficaces, d’envisager et d’assumer concrètement des formes de violence et de radicalité, pas dans l’idée d’une minorité agissante mais en lien avec des mouvements populaires.