Publié le Vendredi 4 février 2022 à 18h00.

À découper suivant les pointillés, de Zerocalcare

La série d’animation tirée de l’univers des BD de Zerocalcare déchire tout sur Netflix !

L’auteur italien Zerocalcare (Michele Rech) se lance dans l’audiovisuel avec une série inspirée par son univers en bande dessinée : À découper suivant les pointillés (Strappare lungo i bordi).

La série démarre avec le G8 de Gênes et traverse une époque de crise et d’incertitudes pour toute une génération, les Millennials, née à cheval des années 1980 et 1990, qui peine à trouver sa place dans le monde et se déchire entre les études longues, les emplois précaires et les rêves brisés. Le malaise existentiel du protagoniste traduit une crise profonde du travail qui s’exprime à travers le refus de sa forme capitaliste et servile et l’impossibilité de le rattacher aux aspirations et aux talents des jeunes. Zero envoie ainsi des centaines de CV sans avoir l’intention d’accepter réellement un emploi. Son ami, Secco, essaie d’arriver aux fins de mois en jouant au poker en ligne tandis que ses deux copines, Sarah et Alice, sont obligées d’accepter des conditions misérables malgré leur vocation et les longues périodes de formation.

Désillusion et désenchantement

Dans une veine autobiographique, l’auteur exprime la désillusion et le désenchantement de sa génération causés par une difficulté chronique à s’insérer dans la société et à r­éaliser ses rêves d’enfance.

Les personnages et les récits de Zerocalcare sont issus des milieux des squats (centres sociaux) italiens et parlent la langue des banlieues romaines. Toutefois, les nombreuses références culturelles œuvrent à l’élaboration d’une langue universelle qui peut être comprise bien au-delà des secteurs militants alternatifs de la capitale italienne.

Chaque dessin, digression et détail est signifiant et trouve sa place dans ce riche univers qui résonne avec la mémoire et le vécu de notre génération.

Torturé par son incapacité à prendre des décisions et à se ranger dans une vie et un emploi stables, Zero est capturé par un flux de conscience psychotique et sarcastique habilement transporté par le slang romain et les dialogues hilarants avec son tatou (doublé par l’acteur Valerio Mastandrea).

Face à un monde que nous n’avons pas choisi

Toute une génération peut facilement s’identifier au protagoniste et à ses amis inséparables. Elle se voit alors en proie à des nuits désespérées à chercher un truc décent sur Netflix, à réfléchir pendant des heures avant de poster un tweet ou à naviguer entre la panoplie d’objets inutiles accumulés dans la société capitaliste. Nous nous voyons projetés dans une réalité où tout s’accélère tandis que nous restons immobiles et impuissants face à nos propres démons, à nos frustrations et à un monde que nous n’avons pas choisi.

La charge émotionnelle des six épisodes va crescendo jusqu’au drame irréparable de la mort face à laquelle seules l’amitié et la solidarité constituent un réel rempart.

Il est impossible de suivre les pointillés sans déchirer la feuille. Nos vies se dessinent d’une façon irrégulière en passant par des découpages inattendus qui laissent ­inévitablement des cicatrices.

Par son originalité et sa beauté crue et sincère, la série Zerocalcare est réellement l’une des œuvres audiovisuelles qui vaut la peine d’être regardée sur Netflix.