Publié le Mercredi 1 décembre 2021 à 14h07.

Élise et les nouveaux partisans, de Dominique Grange et Jacques Tardi

Éditions Delcourt. 176 pages, 24,95 euros.

Chouette, un nouveau Tardi... Avec Dominique Grange au scenario, dans ce nouvel opus, le dessin de Tardi traverse une vingtaine d’années de notre histoire. De cette Histoire qui peine à entrer dans les livres du même nom, celle de la guerre d’Algérie et de la Palestine, à laquelle il est toujours difficile à certainEs de concéder le grand H. De l’histoire de nos vies militantes, celles des générations nées à la politique dans les années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale. Et puis de l’histoire d’Élise...

Histoire des luttes

Les première planches nous plongent, « à la Tardi », au cœur d’un Paris tourmenté, au contact de la police de l’État français, du sinistre Papon, qui matraque, piétine, brutalise, assassine des centaines d’Algériennes et d’Algériens le 17 Octobre 1961. Dessin précis, ambiance restituée avec émotion, la nausée nous prend et la révolte monte. Puis Charonne, en 1962, ses morts et l’ambivalence d’une protestation bien plus massive qu’en octobre 1961, qui laisse comme un malaise car cette fois les victimes ne sont pas algériennes... Et puis s’enchaînent les grandes grèves, mai 1968, l’assassinat de Pierre Overney.

Une histoire du monde

Miroir fidèle de la vision du monde que nous partagions alors, l’internationalisme s’invite au fil des pages via Prague, la Palestine, le Vietnam... Qu’ils et elles aient été maoïstes, trotskistes ou autre, les milliers de jeunes alors engagéEs pour la révolution socialiste, ne voyaient pas d’autre échelle à leur action que le monde ! Les débats stratégiques qui faisaient rage s’appuyaient sur les expériences chinoises, latino-américaine – Cuba, le Chili – ou africaine. Les différents personnages qui peuplent l’histoire d’Élise agissent sur la toile de fond de ces années souvent difficiles, notamment face à la répression, à la prison, même, mais malgré tout tellement joyeuses. La question n’était pas de savoir SI on allait faire la révolution, mais de savoir quand et comment on y parviendrait !

Histoire de nos vies

Souvent, de ces histoires entrecroisées, au cœur desquelles se déroule la véritable histoire d’Élise, nous pourrions dire « J’y étais » ou « Nous aurions pu y être », nous-mêmes ou d’autres nous-mêmes, tant ces histoires sont devenues notre patrimoine politique commun... Élise traverse des épreuves et des situations qui ont été le cœur palpitant de ces générations : celles et ceux qui sont « montéEs à la capitale », pour le travail, pour s’épanouir dans leur art, pour se réaliser, pour militer ; celles et ceux qui se sont établiEs, pour porter la révolution dans les entreprises, au cœur de la classe, et qui souvent n’ont pas pu ou pas su y rester ; celles et ceux qui ont été tentéEs par la violence, qui l’ont éprouvée le 21 juin 1973 ; celles et ceux qui ont emprunté le chemin de l’action directe, mis un pied ou deux sur les sentiers du terrorisme.

L’histoire d’Élise...

Cette jeune femme, incarnation exacte de l’auteure, qui déambule au milieu de cette arène excitante, cette provinciale timide, c’est elle qui, finalement illumine le récit. Parce que c’est son histoire, pour de vrai, parce qu’elle a connu et vécu tous ces choix de vie, ces dilemmes politiques et stratégiques, aux implications très personnelles, parce qu’elle a traversé l’aventure du maoïsme et des maoïstes, qu’elle en est sortie vivante et libre, sans renoncement et pleine d’espoir, pour elle, pour toutes et tous. Et aussi parce qu’elle a légué à celles et ceux qui luttent le chant, tant de fois repris, des nouveaux partisans !

Voir en ligne : https://www.editions-delcourt.fr/videos/elise-et-les-nouveaux-partisans-la-bande-annonce