Éditions Don Quichotte, 2014, 14 euros
Dans son dernier ouvrage, le président de Mediapart, en son temps militant de la LCR et journaliste à Rouge, nous appelle à « dire non ». Non à l’extrême droite, au rejet de l’autre. Non aux renoncements de la gauche social-libérale, qu’il mystifie pourtant toujours comme étant une gauche. La force de cet essai mobilisateur se trouve en fait dans cette critique, fondée, d’un monde politique à la dérive sur sa droite. Arguant de critiques contre son viscéral ennemi, Nicolas Sarkozy, et ses lieutenants Hortefeux, Balkany et consorts, l’auteur dénonce une droite qui n’a pas l’ADN républicaine : une droite royaliste au fond d’elle même, qui ferait du président de la Ve République un monarque des temps modernes. À la « gôche » au pouvoir, Edwy Plenel reproche de ne pas tenir ses promesses, de ne pas sortir du présidentialisme, de refuser d’appliquer une démocratie réelle. À demi-mots, nous sentons bien une désillusion devant une gauche pour laquelle nous étions au moins en droit d’espérer qu’elle ne fasse pas pire que la droite de la Sarkozie... Malheureusement, la désillusion implique une forme d’espérance, et il est pour le moins problématique de croire encore à un changement venant du parti de la rue de Solférino et cela, même à l’époque de l’élection présidentielle de 2012. Enfin, après avoir critiqué la colonisation, le racisme, les politiques d’austérité, notre « démocratie » qui n’en est pas une, le président du célèbre média « sans papiers ni frontières » nous montre le chemin de l’engagement. Il nous invite à nous mettre debout, à dire non, à l’image de son père, décédé fin 2013, qui refusa à plusieurs reprises l’injustice coloniale dans l’éducation nationale. Dans ce livre, les revendications précises existent peu, les incantations « républicaines » repoussent l’idée d’une France comme démocratie universelle – peut-elle alors avoir une autre forme que coloniale ? – dérange, notamment par ses affinités étranges pour un De Gaulle ou un Villepin. Mais Edwy Plenel a bien raison sur un point : l’heure de la révolte à gauche a sonné.
Alexandre Raguet