Corine Pelluchon, Seuil, 2015, 25 euros
Spécialiste de philosophie politique et d’éthique appliquée, Corine Pelluchon fait comme nous tous le constat que malgré l’état d’urgence absolue dans lequel nous vivons aujourd’hui, l’écologie reste une préoccupation périphérique. Elle prend ici le parti d’élaborer une philosophie du « vivre de », concevant la terre non plus comme une ressource, mais comme « la condition de notre existence pensée dans sa matérialité ».
L’ouvrage est scindé en deux parties, et initialement deux ouvrages étaient prévus. D’abord une étude phénoménologique des « nourritures », du sens du goût et du plaisir ; ensuite une recherche d’une nouvelle philosophie, d’un contrat social à opposer aux philosophies de la liberté représentant l’homme dans un rapport de domination sur le monde, auquel elle oppose le sens de « l’être-avec-le-monde ». Cela implique une continuité entre les générations passées et futures, mais aussi avec la terre et ses produits et avec les animaux dans un très louable souci du long terme.
À ce stade, le discours de Corine Pelluchon ne peut que nous convenir : cesser l’exploitation de la terre, casser les lois du marché, supprimer l’exploitation ignoble des animaux d’élevage… C’est après que cela se complique.
Si l’auteur rejette les excès auxquels conduit le marché, il ne lui vient pas un instant à l’idée d’en chercher les racines dans le système capitaliste, et les solutions qu’elle préconise, au-delà de l’arrêt de la consommation de viande et de l’agroécologie, relèvent d’une politique qui pourrait prêter à sourire si ce n’était pas aussi consternant. Le principal atout dans la manche de Corine Pelluchon est la création d’une troisième assemblée, qui ne voterait pas les lois mais aurait un droit de veto... et serait dédiée aux enjeux environnementaux. Les membres de cette « Assemblée de la nature et du vivant » serait composée d’experts, « de personnalités qualifiées et reconnues pour leurs compétences en matière d’environnement »... désignées par tirage au sort.Bref, lisez la première partie du livre... et oubliez la deuxième !
Catherine Segala