De Marc Lathuillère, Édition La Martinière, 2014, 49 euros.
Le « produit France », un pamphlet photographique ? Musée national de Marc Lathuillère propose une saisissante représentation de l’exploitation contemporaine du capital touristique français. En France plus qu’ailleurs, le décorum a de quoi séduire et allécher le chaland tant le patrimoine français, du bâti à l’assiette, est propice à la folklorisation des imaginaires et des goûts.
Des paysages aux pratiques d’antan, la conservation du patrimoine n’a de cesse d’être montrée en spectacle, happant chacun d’entre nous dans un fétichisme passionnel des marchandises touristiques. Le masque porté par chaque personnage photographié interroge habilement cette neutralisation à l’œuvre des désirs condamnés à ne se réaliser qu’au travers des objets et des gestes imposés par l’exercice d’un rôle emprunté au registre de la fiction touristique.
La visite du Musée national fonctionne ainsi comme un effrayant mais essentiel révélateur du double masquage idéologique à l’œuvre. D’une part un masquage de l’espace sensible par ce déversement incessant d’images publicitaires venant contaminer notre rapport aux paysages et aux figures présentes et passées ; d’autre part un masquage politique : cette exploitation des potentialités touristiques d’un lieu exacerbe la nostalgie et les passions identitaires. Le refuge semblerait alors tout trouvé : non seulement les vieilles recettes se vendent très bien aujourd’hui mais de surcroît ne rendaient-elles pas heureux nos aïeux ? Mais le passé ne se rattrape jamais et cette conservation spectaculaire nous tiendrait davantage à distance d’une histoire de plus en plus réduite à sa valeur d’échange.
Et je regrette que Michel Houellebecq, préfaçant l’ouvrage, y trouve là l’occasion d’affirmer à nouveau sa vision paranoïaque de l’histoire : les Français auraient renoncé à évoluer, se réfugiant dans leur rôle de petit marchand d’officine touristique... J’admets que l’ouvrage porte cette ambivalence, mais je préfère pour ma part me rappeler que sous chacune des photos, l’artiste a renseigné des noms comme autant de consciences qui ont accepté la pose, mais n’en sont pas dupes pour autant !
Baptiste