Au musée de l’Histoire de l’immigration, Palais de la Porte-Dorée, 293, avenue Daumesnil, Paris 12e, jusqu’au 26 août 2018.
Le musée de l’immigration tente de s’emparer du sujet des Tziganes, des Roms, et plus largement des gens du voyage, à travers leurs représentations photographiques. Les sources sont diverses, parfois c’est le travail de la police, à travers des photos anthropométriques, mais aussi des reportages qui le plus souvent folklorisent ces populations, ou en montrent la situation misérable. Mention spéciale pour le travail de Xavier Barral qui suit depuis 20 ans une famille de Tsiganes du sud de la France et dont il donne à voir une intimité et une humanité assez touchante.
Une exposition qui ne fâche personne
Il y a donc de jolies photos, mais quoi d’autre ? Pas grand chose. Et c’est là le problème. L’exposition ne raconte à peu près rien. Elle n’aide pas à comprendre l’histoire de ces populations et surtout elle n’aborde aucun sujet qui fâche aujourd’hui.
Pas un mot, pas une image des destruction de campements de Roms ou de « gens du voyage » au cours des deux dernières décennies à Bagnolet ou à Montreuil, à quelques encablures du musée de la Porte-Dorée. On n’évoque pas plus le sort de ces populations, les discriminations et les violences qu’elles subissent en Hongrie, en Roumanie ou encore en Bulgarie.
Donc voici une exposition qui ne fâche personne. Valérie Pécresse peut sans crainte venir la visiter. Mais c’est fâcheux lorsque l’on souhaite traiter d’un sujet au cœur des polémiques et de la vie politique en Europe depuis des décennies.
Déjà l’an passé, le musée proposait une exposition sur l’immigration italienne, assez mauvaise. Une exposition totalement lisse qui préférait exposer des disques d’Yves Montand et des cafetières italiennes plutôt qu’évoquer en profondeur les formes de racisme, de ségrégation dont ces immigréEs italiens ont longtemps été victimes.
Un musée qui reste frileux
On a beaucoup discuté des conditions de naissance de ce musée : installé dans le bâtiment de l’ancienne exposition coloniale de 1931 (où on avait pu alors voir des zoos humains) puis devenu ministère des Colonies, il ne sera jamais inauguré par Nicolas Sarkozy, alors président de la République, tant les polémiques autour de la création du « ministère de l’Immigration, de l’intégration et de l’identité nationale » étaient fortes.
Au total on a le plus souvent l’impression que ce musée reste frileux, n’ose pas afficher un point de vue fort, éclairant et se contente d’évoquer les sujets (souvent très prometteurs) sans oser les traiter au fond. De peur de froisser les tenants d’un récit national que les historienEs ont depuis longtemps dézingué ? Résultat : cette fois encore, une exposition tarte et lisse.
Pierre Baton