Musée Marmottan-Monet, jusqu’au 7 février 2016.
Il est ophtalmologiste, elle dessine des tissus : ce couple d’amateurs d’art suisses, Arthur et Hedy Hahnloser-Bühler, collectionneurs et mécènes, souhaitent vivre leur temps, celui du début du 20e siècle. Ils constituent une fabuleuse collection dans leur Villa Flora à Winterthur près de Zurich, lieu d’échange et atelier de création, où les artistes, devenus des proches, sont des hôtes réguliers.
Ils commencent leur collection avec les peintres suisses Ferdinand Hodler, ses puissants paysages de montagne, et le post-impressioniste Giovanni Giacometti, le père d’Alberto. Mais grâce à Félix Vallotton, né suisse, avec qui ils se lient d’amitié, c’est vers la toute nouvelle création artistique à Paris qu’ils se tournent avec intuition, et ils soutiennent avec courage et obstination les artistes nabis décriés à l’époque, en rupture avec l’art officiel.
Vallotton, la rencontre décisive, ils en deviennent un de ses principaux collectionneurs : des œuvres majeures sont à l’expo comme La Blanche et La Noire, scandaleux à l’époque, énigmatique remake de l’Olympia de Manet, entre bourgeoise lascive et domestique délurée, ou encore ses paysages réinventés intensément lumineux.
Les nabis vont alors incarner la constante maturation de leur collection : Vallotton donc mais aussi Pierre Bonnard avec son temps suspendu, comme dans le portrait sensible de la famille Hahnloser, Promenade en mer, ou Les fleurs fanées dans Le pot provençal, et dans une moindre mesure le discret et intimiste Édouard Vuillard du début ainsi que le sculpteur Aristide Maillol.
à leur tour ces artistes vont conseiller d’élargir le cercle aux œuvres de leurs amis fauves : Thierry Manguin puis Albert Marquet et Henri Matisse, sa peinture de fenêtres, Nice Cahier noir, et ses sculptures, et de leurs maîtres référents, les précurseurs Odilon Redon, Paul Cézanne, Édouard Manet, son Amazone, et Vincent Van Gogh, Le Semeur.
Des œuvres exceptionnelles (et on n’en voit à Paris qu’une partie !), un résumé de l’art moderne principalement des nabis puis des fauves, du temps enchanté de la Villa Flora qui, devenue musée, abrite une des rares collections d’importance à ne pas avoir été dépecée.
Ugo Clerico