1 CD chez Universal Music.
« Les parfums de l´Islam crevant d´Andalousie Des pavés de flamenco aux gestes anarchiques »1
La guitare flamenca a toujours eu les bons arômes d’un sud parfois fantasmé mais bien réel. Rafael Riqueni, prodige de la guitare flamenca aux sonorités entre Falla et Albeniz, est de retour avec son nouvel opus Herencia.
Le maître de la guitare flamenca
Lorsqu’on entend et voit (nombreuses vidéos sur internet) Riqueni, sa guitare semble facile. Loin des « picados » à la vitesse de la lumière, des rythmes aux contretemps impossibles, la guitare de Riqueni est fluide, créatrice d’harmonies et toujours renouvelée. La technique est au service de l’art et non l’inverse et c’est pourquoi Rafael « es el Maestro desde 1990 »2.
Rafael Riqueni est né le 16 août 1962, dans la rue Fabié du quartier de Triana (Séville). À peine âgé de 12 ans, il fait ses premières représentations de guitare flamenca comme soliste et remporte de nombreux prix. En 1986, Rafael Riqueni publie son premier enregistrement, Juego de Niños, dans lequel il introduit des concepts innovants d’harmonie et de composition qui commencent à définir son style musical. Son deuxième disque, Flamenco, devient un objet de culte pour les nouvelles générations de guitaristes grâce à un travail de guitare classique en solo au regard purement flamenco.
La consécration définitive et le succès public ont lieu en 1990 avec l’album de compositions originales Mi Tiempo (réédité en France en 2019). Suivront quelques autres pépites comme La Suite Sevilla et Maestros (hommage aux maîtres Niño Ricardo, Esteban de Sanlúcar et Sabicas) puis un long silence jusqu’en 2011. Rafael Riquedi est un Sévillan à la vie mouvementée, parfois solitaire, qui a mené un long combat pour fuir ses vieux démons, vaincre une tragédie personnelle et se recréer. Au milieu de toutes ses errances, tissées d’ombre et de lumière, sa guitare a constitué le puissant moteur de création de sa musique composée d’une tendresse et d’un supplément d’âme exceptionnel.
Herencia, à la croisée du flamenco moderne et de la musique classique
Après l’énorme succès en Espagne du CD Parque de Maria Luisa3 en 2017 qui n’a pas constitué son chant du cygne, voilà donc Herencia (Héritage) le nouveau chef d’œuvre de Rafael Riqueni. 10 morceaux, 10 pépites solistes aux influences classiques et andalouses personnelles et reconnaissables entre toutes, où le guitariste livre une œuvre complexe dont l’art raffiné et résolument moderne se situe à la croisée du flamenco et de la musique classique. Le génie sévillan rend ainsi hommage à l’histoire de la guitare flamenca et à l’héritage que lui ont laissé les grands maestros du passé, mais en renouvelant la créativité de cet Herencia. La majorité des morceaux de l’album ont été enregistrés avec une guitare fabriquée en 1968 par le musicien andalou Michel Rodriguez. Herencia offre des « alegrias » et des fulgurances impressionnistes qui éblouiront votre ouïe et parfumeront l’atmosphère où que vous vous trouviez à son écoute (même si Darmanin envoie les gaz).
La « Farrucada Bacchiana » est sans doute la plus belle composition de Riqueni depuis longtemps. Elle s’ouvre en tons mineurs, fait des clins d’œil à la tradition flamande pour s’ouvrir sur des terrains émotionnels nouveaux du chemin du cœur et pas seulement andalou. L’expérimentation formelle se conjugue avec les richesses harmoniques et rythmiques de la composition. On se prend à rêver à Jimmy Page qui sortirait de sa retraite pour la reprendre à la guitare électrique à la façon « Kashmir ». La pièce « Aires de Sevilla » quant à elle est chargée d’un miel trompeur à la sévillane, mâtiné de tango, qui paraitra plus familier aux amoureux de l’Andalousie. Tous les morceaux sont excellents, de « Herencia », qui ouvre l’album, à « In memoriam » qui le ferme par un arpège subjuguant.
Rafael Riqueni aurait dû lancer ce nouvel opus en France par un concert aux Arènes de Nîmes en compagnie de Miguel Rodriguez. Il faudra attendre. Pas trop longtemps on espère.