Agullo, 288 pages, 21,50 euros.
Voilà un roman mais dont l’histoire est basée sur des faits réels, une histoire vraie donc. C’était il y a 20 ans, à l’occasion d’un sommet du G8 en Italie, à Gênes. À cette époque, pas si éloignée que ça, le mouvement altermondialiste était fort. Chaque sommet se heurtait à une contestation politique importante. L’écrivain nous fait vivre ou revivre cette énorme mobilisation, en cette fin juillet 2001. On se souvient de la mort de Carlo Giuliani, ce jeune manifestant, tué d’une balle dans la tête par les carabiniers, une mort qui sonnait alors comme un assassinat par la police italienne. On se souvient moins, à part celles et ceux qui l’ont vécue directement, de la terrible répression, plus ou moins préparée.
Terrible engrenage
L’écrivain nous raconte les quelques jours qui précèdent la grande manifestation jusqu’au déchainement de violence de la police, avec une brutalité dingue. Les personnages sont nombreux, des responsables des forces de l’ordre, italiens comme français, des journalistes et des militantEs bien sûr, anarchistes, black-bloc, de la LCR… Alain Krivine et Olivier Besancenot étaient présents le 21 juillet. Les descriptions de ces militantEs piquent un peu, car pas décrits comme on aimerait ou pas comme on pense être. C’est ainsi, l’auteur semble avoir une vision critique des organisations militantes. Mais pourquoi pas, car en fait l’essentiel n’est pas là.
Nous assistons à un terrible engrenage, à un genre de scénario catastrophe, sans trop de suspense certes puisqu’on connait la suite mais quand même, c’est impressionnant. Sont décrits les pouvoirs politiques qui veulent alors régler les comptes avec la contestation, des gouvernants, des ministres, des préfets ou équivalents, des policiers, constitués d’éléments d’extrême droite et fascisants (Berlusconi gouverne alors avec la Ligue du Nord), qui se préparent à réprimer, qui n’attendent que ça, tout excités à l’idée de casser du gauchiste. La tension est grande et la manifestation dégénère logiquement, la brutalité policière éclate.
Il y a la mort du jeune Carlo et les heures qui suivent, le lendemain surtout, avec une meute qui se jette sur les manifestantEs, frappant, gazant, blessant et en enfermant un certain nombre, de manière complètement gratuite, injustifiée. Une répression chaotique, sans aucune maîtrise, mais à la fois tellement préparée en amont.
Cette violence racontée en détails, avec les provocations et les manipulations, c’est le mécanisme froid de la répression politique, de la volonté d’écraser avec des spécialistes qui y réfléchissent, qui y travaillent très sérieusement. On pense à la répression 20 ans après dans les manifestations ici en France, à cette police qui s’autonomise, au danger fasciste plus crédible. C’est peut-être bizarre de conseiller un roman qui nous remet encore et encore au cœur de la répression. Mais c’est aussi un roman qui rend hommage à des militantEs qui ont subi cette violence et notamment à Carlo Giuliani, pour surtout ne pas oublier.