Coproduction Nova Production et LCP-Assemblée nationale, disponible en replay sur LCP.
En 50 minutes, le documentaire réalisé par le journaliste Thomas Zribi et l’historien Nicolas Lebourg décortique le processus ayant conduit à l’émergence du concept du grand remplacement. Son histoire, sa genèse, ses ramifications et ses effets politiques.
Zemmour et le grand remplacement
Comment en est-on arrivé là ? D’où sort ce fantasme, ce terme, ce concept, et comment est-il possible qu’une thématique aussi ouvertement raciste et xénophobe ait pu se trouver, en France, au centre de la campagne électorale de 2022, porté par une frange totalement décomplexée de l’extrême droite ? Le plus grand mérite du documentaire diffusé sur LCP est de donner des éléments de réponse très circonstanciés à cette question vertigineuse.
Aux confins de l’histoire coloniale
Paradoxalement, les auteurs situent la grande peur de l’invasion... à la période de la colonisation de l’Afrique. Ainsi le livre publié en 1894, L’invasion noire, en est-il l’expression par ceux-là même qui colonisaient l’Afrique, imaginant une armée de noirs encadrés par des musulmans partant à la conquête de l’Europe ! Cette thèse recoupe ensuite les canons de l’antisémitisme, aussitôt après la Seconde Guerre mondiale, qui voit cette invasion par les noirs et les arabes organisée par les juifs... La constante étant cette idée de colonisation d’une Europe qu’il faudrait donc libérer.
La construction politico-médiatique d’un concept
Complot sans nom, jusqu’à ce que Renaud Camus, en 2010, publie un livre titré : Le grand remplacement. Le terme reste d’abord confiné au sein de milieux identitaires confidentiels, et le documentaire décrit très bien la montée sur les réseaux de cette marque déposée, la promotion qui en est faite par l’auteur, puis par des influenceurs d’extrême droite, sur les chaînes de télé (notamment chez C. Hanouna). Et puis, en 2019, à la convention de la droite de Marion Maréchal-Le Pen, Éric Zemmour monte au créneau en portant avec force, telle une évidence, Le grand remplacement, tel que l’on le retrouvera au cœur de sa campagne en 2022.
Vers la guerre civile
Au delà de la genèse du concept et de son usage politique en France, le documentaire établit les liens avec les activités criminelles de plusieurs assassins fascistes qui ont sévi aux États-Unis, où la thèse du grand remplacement a rencontré les thèses plus anciennes des supémacistes blancs, en Norvège, en 2011, où Breivik a perpétré ses attentats meurtriers à partir de thèses similaires, et en 2019 en Australie, à Christchurch, où Tarrant a provoqué la mort de 51 personnes en s’attaquant à des mosquées. Et si celui-ci, à l’instar de Breivik, a publié un manifeste de plusieurs centaines de pages, cette fois son titre est tout simplement « The Great Replacement ».
Un documentaire édifiant, qui fait froid dans le dos, à voir pour comprendre le phénomène et pour se préparer à la bataille politique qu’il va falloir mener pour le combattre.