Publié le Dimanche 23 mars 2025 à 15h00.

Le sens de la fuite, d’Hajar Azell

Éditions Gallimard, 2025, 224 pages, 20 euros.

Quatre ans après un premier roman superbe (bien que passé, injustement, un peu inaperçu), l’Envers de l’été, Hajar Azell est de retour avec un magnifique livre sur la fuite et l’exil.

Les printemps arabes

On y suit le parcours d’Alice, journaliste pigiste à la recherche des crépitements du monde. Elle commence sa carrière à Beyrouth en 2010, puis se retrouve au cœur de la révolution égyptienne de 2011, place Tahrir, et suit la chute du dictateur Hosni Moubarak.

À travers son regard, toute l’effervescence de la période se dévoile : la jeunesse militante, les activistes prodémocratie et les journalistes d’opposition, leurs contradictions, celles de la société égyptienne, et bien plus tard, la reprise en main par l’armée.

Cherchant à couvrir toutes les révolutions du Printemps arabe, Alice se retrouve par la suite à Alep, coincée sous les bombes de Bachar Al-Assad. Face aux exactions de ce dernier, elle perd alors beaucoup de ses illusions sur la possibilité de changer le monde.

Les racines algériennes 

À son retour à Paris, Alice ressent un besoin viscéral de renouer avec ses racines et avec Oran, la ville de son père disparu des années auparavant. Le déclic est sa rencontre avec Ilyes, un sans-papier algérien, lui aussi oranais. Elle enquête, à Oran, notamment sur les harragas, ces « brûleurs de papiers, de frontières », prêts à tout pour se lancer sur les vagues de la Méditerranée et rejoindre une Europe où ils pourront mieux vivre.

Elle y cherche aussi qui elle est, ses propres traces, pour se réparer après avoir témoigné de l’horreur vécue et vue au milieu de l’Histoire en train de se faire. Son séjour invite à vivre l’Algérie d’avant le Hirak, une Algérie aux rêves suspendus, une Algérie en attente, alors que le règne de Bouteflika n’en finit pas de finir… C’est un deuxième roman superbe et maîtrisé, incandescent par moments. À lire absolument.

Sally Brina