Publié le Mercredi 8 décembre 2021 à 14h31.

Les grandes oubliées : pourquoi l’histoire a effacé les femmes, de Titiou Lecoq

Éditions l’Iconoclaste, 324 pages, 20,90 euros.

L’autrice n’est pas historienne, mais voilà un livre qui raconte une histoire ou une manière de raconter l’histoire qu’il nous faut faire connaître. En vrai, l’histoire officielle est pour une bonne part mensongère et trafiquée, faite d’oublis ou d’invisibilisations. C’est vrai en ce qui concerne les luttes sociales en général et pour les combats contre les oppressions, notamment celui des femmes pour l’égalité, pour leurs droits, pour leur dignité, pour leur vie.

Les hommes ont pris toute la place

Titiou Lecoq raconte ou explique avec humour et ironie, avec colère aussi bien sûr, elle nous fait découvrir des portraits de femmes, des vies, des évènements, des situations entre la préhistoire et aujourd’hui. Elle cite tout le long du livre des références de travaux réalisés par des chercheuses et des historiennes. L’axe c’est à quel point les femmes ont été opprimées, rabaissées, insultées, maltraitées, détestées, assassinées, violées… Elles ont été mises de côté, effacées, invisibilisées. Pas seulement leurs luttes ou leurs revendications mais carrément leurs vies, leurs œuvres, leurs carrières.

Les hommes ont pris toute la place, sans scrupules, tout en violence. Mais cette histoire n’est pas rectiligne, on ne part pas du pire vers le progrès, il y a des hauts et des bas, des moments de progrès et des moments de reculs : préhistoire, Moyen Âge, Renaissance (qui n’est en rien progressiste pour les droits des femmes), époques « modernes »… Même les épisodes qu’on croirait progressistes comme le siècle des Lumières (avec des philosophes pas si lumineux que ça), la révolution française de 1789 (refusant de déclarer les droits des femmes) ou encore le 19e siècle entre révolutions industrielles et sociales (refus du droit de vote…), ont leurs doses de misogynie, d’oppression, de violences terribles contre les femmes, qu’elles soient riches ou pauvres d’ailleurs, car globalement, la domination masculine provoque des dégâts semblables parmi toutes les classes sociales.

Et puis il y a l’histoire de la langue française avec ses moments réactionnaires, traduisant les reculs dans la société, comme la règle du masculin qui « l’emporte » (invention relativement récente) ou les noms de métier masculinisés après avoir existé au féminin, prolongeant ainsi la domination des hommes dans la société. Le lien est fait avec les réacs du jour, contestant la « féminisation » de la langue alors qu’il s’agirait tout simplement de la « démasculiniser ».

Hommage aux oubliées

L’autrice Titiou Lecoq rend hommage à ces femmes, quelle que soit l’époque, qui ont lutté ou essayé de vivre, chacune à leur manière. Bien sûr, l’histoire récente est illustrée par des détails plus importants, avec des portraits et des récits plus détaillés, depuis la Révolution française notamment. On peut retenir l’histoire d’une grève à Limoges, en 1905, dans une usine de porcelaine, contre un ingénieur, harceleur et agresseur sexuel sur les ouvrières. Une lutte qui obtiendra le départ du type. Ou aussi le fait qu’au 18e siècle il y avait de nombreuses femmes écrivaines qui ont été complètement effacées par la suite, y compris leurs romans, comme des femmes peintres (peintresses) avaient elles aussi été effacées. Sans oublier la chasse aux sorcières du 17e siècle, avec ces milliers de femmes exécutées, assassinées parce que femmes.

Ces 324 pages sont enthousiasmantes, pleines de ces histoires dramatiques et révoltantes, pleines d’hommages avec tous ces noms et ces vies d’artistes, d’intellectuelles, de journalistes, de militantes. Et pour en savoir plus, ça le mérite, il y a de quoi avec un grand nombre de notes qui renvoient à des livres anciens ou récents, pour beaucoup écrits par des femmes historiennes.