Éditions Agone, 2023, 312 pages, 15 euros.
On le savait, le capitalisme trouve des intellectuelEs pour le défendre. Chiens de garde, nouveaux chiens de garde, les dénominations changent… les concepts moins.
La garde rapprochée idéologique du capital tiendrait plutôt à notre époque du roquet bruyant, plus encore lorsqu’il ou elle agit à la télévision en tant qu’animateur. Suivez mon regard…
Une information au service des dominants
Ici, ce ne sont pas tant les amuseurs publics qui font la courte échelle à tel ou tel ou applaudissent à la dernière trouvaille du capital pour mieux nous exploiter qui sont en jeu. Non, ici, il s’agit d’analyser et de démontrer comment la presse fait le lit confortable de certaines idées et de leurs représentants, éliminant avec soin toute opposition.
Culture de l’entre-soi de classes, indépendance des rédactions malmenée, traitement de l’information orientée : tous ces travers sont connus, étudiés parfois même en école de journalisme. On ne s’étonnera donc pas de découvrir de quelle servilité certains journalistes font preuve, mais on pourra s’inquiéter de l’ampleur qu’elle a prise ces dernières années… au point d’effacer toute légitimité à une voix journalistique indépendante et progressiste.
Journalisme de cour
Ce n’est pas la moindre des qualités de Pauline Perrenot, membre de la rédaction d’Acrimed, que de démontrer avec minutie, à l’aide de nombreux exemples et citations, comment le quatrième pouvoir se met au service des puissants. L’accumulation des couvertures de magazines et de « une » de journaux, l’addition des mêmes termes plusieurs fois repris donnent le vertige. Elles montrent dans quel bain médiatique nous vivons…
Ainsi, l’environnement radiophonique, télévisuel et écrit des dernières années est passé au crible : de l’ascension de Macron en 2016 à l’anticipation d’un potentiel duel Macron-Le Pen en 2022 plus d’un an avant l’élection présidentielle, en passant par les louanges d’Édouard Philippe, les « faiseurs d’hommes » ne se lassent pas. C’est ce que l’autrice appelle le « journalisme de cour ».
La servilité ayant plusieurs habits, le livre analyse également le « journalisme de dédiabolisation » ou comment donner à Marine Le Pen les atours d’une gentille tata et offrir à Éric Zemmour un tremplin…
Connivences économiques
Quant au journalisme qui chante sans arrêt les louanges du « Travailler plus pour gagner plus » il a connu ces quinze dernières années, depuis Sarkozy, sa meilleure vie. Quel que soit l’état de l’économie, la réponse des éditocrates est toujours la même : l’exploitation accrue de la force de travail ! En 2018, au moment de la privatisation de la SNCF, certains ont prétendu être « experts » pour faire avaler des couleuvres aux travailleurEs. Pendant la grève à France Inter en 2019, Léa Salamé s’est empressée d’interviewer Carlos Ghosn au sujet de son évasion.
De connivences économiques en habiles diversions de peopolisation, le journalisme de cour et de classe peut également dériver vers le « journalisme de préfecture ». C’est tout l’intérêt du livre que de nous rappeler comment la presse a couvert le mouvement des Gilets jaunes en 2018, ses mutiléEs ou la mort de Steve Maia Caniço. Il montre comment l’ordre, l’État et l’autorité sont encensés, au point que l’information se mue en « cadre interprétatif ».
Enfin, après les « experts béats du marché » et les pourfandeurs de l’« ensauvagement », l’entreprise médiatique s’attaque à décrédibiliser les syndicats, à criminaliser les actions collectives militantes et à diaboliser toute opposition à l’État et au marché, des islamo-gauchistes aux écoterroristes.
À l’heure de la grande concentration des rédactions aux mains des milliardaires, les Médias contre la gauche non seulement démonte les mécanismes de production (et de reproduction) de l’information mais démontre aussi que les médias sont un outil de manipulation parfois massive et une arme au service de la « domination symbolique du capitalisme ».
Les années qui viennent de s’écouler ont aggravé l’« anémie du pluralisme ». Lire ce livre, c’est s’en convaincre pour commencer à combattre le capitalisme sur ce plan également. C’est aussi trouver bien des arguments pour contrer les « nouveaux chiens de garde ». Une sorte de manuel d’autodéfense journalistique !