Film français, 71 min, sorti le 23 novembre 2022.
Édith, Michèle, Eveline, Fabienne et Marie-Christine partagent d’avoir un jour été remises par la justice — ou par leurs parents — aux « bons soins » de maisons de correction tenues par des religieuses. Privées de leur personnalité, de leur identité, de leur singularité, interdites d’émotion, d’affection, d’échanges entre elles.
« Je me souviens de cette grande porte lourde »
« Et puis des murs, après c’était que des murs ». Isolées du monde, car « la rue c’est le péché », elles subissent de mauvais traitements — « ces escaliers-là, quand ça n’allait pas, on les montait à genoux, et les bras en croix » — l’arbitraire — « Je me souviens des punitions collectives » — et le mensonge. Pour les plus récalcitrantes, la cellule, le mitard !
Ces femmes ne se plaignent pas, elles se montrent fortes et fières — elles s’en sont sorties ! Si elles paraissent ne pas concevoir de haine, leurs yeux semblent scander : on n’oublie pas, on ne pardonne pas ! Elles se sont reconstruites, assument leur passé, ses douleurs, ses combats. Le film est manifestement un jalon sur ce chemin. Une réalisation subtile et un montage ciselé restituent à chacune d’elles sa singularité en l’inscrivant de façon spécifique dans l’enchevêtrement des témoignages. Leur identité est doucement révélée. Jusqu’à leur prénom qui nous est dévoilé comme par inadvertance. Chacune trouve sa place !
« Les guerrières se sont battues pour exister ! »
Édith, une voix dans le noir, devient la récitante de la visite d’une institution ruinée, hantée par ces existences brisées... Eveline, elle, découvre dans son dossier les traces d’une histoire maquillée. Elle ne détourne pas les yeux quand la réalisatrice ose le très gros plan qui la révèle. Michèle paraît avec ses doutes, un brin de culpabilité, un soupçon de douce ironie, au milieu de ses petites-filles qui l’entourent de tant d’amour ! Elle recourt à sa plume pour convoquer ses souvenirs les plus difficiles. Fabienne la rebelle, en robe rouge devant son piano blanc, Fabienne la fugueuse, condamnée au mitard, Fabienne résolue à la mort, mais non... « Quand tu es jeune, tu résistes à tout... en tout cas moi ! » dit-elle, sourire crispé, presque une larme...
Une grande salle blanche aux colonnes noires, vers la lumière... Voix d’Édith : « Aujourd’hui, j’me guéris, tout doucement, j’suis obligée... Je suis contente que vous soyez passées, parce que il restera des traces de cette vie de chien ! »