Portrait de l’Algérie du début des années 2000, au gré des rencontres et des souvenirs de l’auteure et narratrice. Celle-ci, franco-algérienne effectuant son premier quasi-pélerinage, en quête de cette moitié d’identité manquante dont elle ne sait quoi faire, est sur les terres d’un père dont elle n’a connu que la violence, l’inexplicable distance puis l’absence définitive. Au fil de ses virées nocturnes à Bel-Abbès, au côté d’un acteur et directeur de théâtre rencontré à Paris et de son gardien, de son cousin et d’une fière et ténébreuse prostituée, dans les lieux interdits aux femmes du pays – auxquels sa moitié française lui donne accès –, puis à Oran, plongée au contraire dans le quotidien et la tendresse spontanée de Nawel, Amina et Farah pleurant leur mari et père assassiné en 1994…
On découvre un pays où « l’âme est à nu », où la corruption, la débrouille et les passe-droits règnent en maîtres, où le nombre de disparus surclasse celui du Chili de Pinochet, où l’eau est devenue plus précieuse que le pétrole, où cent quarante mille malades mentaux ont moins de trente ans, où la méfiance est généralisée, où la délation est souvent le moyen d’accaparer les biens du voisin, où les artistes se clochardisent aux marges d’une vie culturelle anémique, où une partie de la jeunesse ne rêve que d’exil tandis que l’autre tâche de continuer, sur place, à ne pas « sous-estime(r) la vie ». Douleurs et espoirs de l’auteure et de l’Algérie, réminiscences traumatiques de la décennie sanglante et bonheurs simples au présent, se croisent et se répondent dans un récit vif et émouvant. Un récit qui se présente de prime abord comme un simple carnet de voyage mais se transforme en réflexion sur la complexité de l’« identité » personnelle et nationale, sur les ambiguïtés et les différentes modulations de la « double culture », sur l’importance de ses conditions de transmission.Neïla Belaïd
Rencontre avec Sandrine Charlemagne autour de son ouvrage à la librairie La Brèche, Mercredi 12 Décembre à 18h 30.
Roman : Mon pays étranger, Sandrine Charlemagne, éditions La Différence, 2012, 18 euros.