Publié le Mercredi 8 mars 2023 à 09h38.

Petit éloge de la médiocrité, de Guillaume Meurice

Éditions Les Pérégrines, 2023, 198 pages, 14 euros.

Il faut le dire de suite pour éviter toute surprise, Guillaume Meurice, l’humoriste spécialiste en micro-trottoirs radio­phoniques, n’a pas écrit ce livre pour rigoler. 

Ici pas de blague ou si peu. Non, au contraire, ici c’est du sérieux, avec des réflexions sur la société, sur quelques-uns de ses travers, sur pas mal de choses qui font de nos habitudes et de nos comportements des trucs pas terribles.

Meurice revendique « sa médiocrité ». Cela peut paraître bizarre, mais c’est une manière de se démarquer de tout ce qui lui déplaît, de ce qu’il désapprouve ou dénonce. On se retrouve beaucoup dans cet éloge, on se comprend même plutôt bien… entre médiocres.

Sous-produits d’un capitalisme dominateur

Au fil des chapitres, l’auteur s’en prend à l’arrogance, à la suffisance, à l’élitisme, à la concurrence, aux sentiments de supériorité, à la volonté d’être au-dessus ou plus fort que les autres, ces « qualités » ne sont pas que des vilains défauts individuels, ce sont aussi — et surtout sans doute — les sous-produits d’un capitalisme dominateur, oppresseur et productiviste, d’un système qui semble ne jamais pouvoir ou vouloir s’arrêter, qui ne cesse d’accumuler toujours plus de richesses d’un côté et toujours plus de misère de l’autre, qui abîme, qui détruit toujours plus, les droits sociaux comme la planète.

Globalement, Meurice dénonce les classements, les évaluations, la hiérarchie, les podiums, dans le sport comme dans la vie en général, cette obsession de soi, cette satanée croyance au génie, à cette recherche de l’excellence. Il ne s’agit pas vraiment d’une volonté mais d’une pression sociale, celle du regard et de l’exigence des autres. Comme si nous ne pouvions pas accepter tout modestement notre simplicité, notre banalité, notre « médiocrité ». Sans se prendre la tête, sans complexe.

Celles et ceux qui font fonctionner la société par leur travail

Le refus de se plier à un système de mise en concurrence les unEs contre les autres, cette aspiration à un monde plus collectif et plus solidaire, plus respectueux et plus soucieux de ce qui nous entoure, c’est finalement peut-être bien dans l’air du temps. En pleines batailles environnementales, comme celles contre les mégabassines ou contre les élevages intensifs ; en pleine bataille des retraites, pour refuser de travailler plus longtemps, en revendiquant carrément le droit à travailler moins — ce droit à la paresse — pour faire autre chose de sa vie que de la perdre dans des boulots à la con, avec cette dinguerie de valeur travail, qui n’a de valeur que pour les exploiteurs qui s’enrichissent du travail des autres.

Du travail il en est question aussi dans le livre avec ces centaines de milliers de bénévoles qui font vivre les compétitions sportives et les festivals de musique, pendant qu’encore une fois des stars se gavent sans trop de scrupules. Bénévoles ou précaires, il est bien question de toutes ces personnes qui font fonctionner la société, au quotidien, par leur travail, rémunéré ou pas ou si peu, à toute cette classe sociale qui permet à d’autres de s’enrichir et à vivre au-dessus et sur leur dos.

Au-delà de la critique de la société et des rapports humains actuels, il y a bien l’envie d’un autre monde, ce que Guillaume Meurice ne nomme pas forcément « espoir », qui serait une promesse dans une autre vie, un truc pas fait pour nous. En attendant, on a la preuve qu’il fait les manifestations contre Macron et son monde, car il le sait bien, tant qu’il y a de la lutte, il y a de l’espoir.