Éditions de l’Olivier, 2025, 192 pages, 20 €
Cinq ans après La petite dernière, adapté au cinéma par Hafsia Herzi, Fatima Daas sort Jouer le jeu, un roman d’apprentissage, vif et acéré.
Kayden a 17 ans et vit dans un quartier populaire, avec sa mère et sa sœur. Autour d’elle, un groupe d’amiEs composé de Samy, Nelly et Djenna. Elle aime observer le monde et écrire.
Au début, elle pensait faire un CAP petite enfance. Son proviseur lui conseille une seconde générale, car elle a de bonnes notes. Kayden suit alors ses conseils. C’est là qu’elle rencontre sa professeure principale, Garance Fontaine, avec qui elle développe une relation ambiguë et ambivalente. Une professeure qu’elle aime en secret. L’enseignante voit en elle une future étudiante de Sciences Po et décide de la prendre sous son aile pour la faire « progresser » selon ses plans…
Ce roman démonte avec talent le vieux trope du professeur « sauveur blanc », qui permet à la « pépite » des quartiers et/ou raciséEs d’acquérir les codes, le savoir légitime, qui lui permettront de s’émanciper de sa condition, de sa famille, de son milieu. Il questionne donc ce trope qu’on retrouve notamment dans À la rencontre de Forrester (avec Sean Connery et Rob Brown) ou Le Brio (avec Daniel Auteuil et Camélia Jordana). En effet, en même temps que Kayden est valorisée, presque starisée, Djenna, plus rebelle, ne reçoit aucun soutien de la part du corps enseignant.
Narré à hauteur d’adolescente, le roman montre aussi le ressenti face à des professeurEs, des adultes, qui ont peur d’ados, d’enfants, parce qu’iels sont raciséEs. La scène du débat sur la laïcité est ainsi éclairante. Il donne également à voir le vécu d’une jeune LGBTI des quartiers populaires. Enfin, les questions de classe sont aussi très présentes. Du prix de chaque produit du quotidien à la violence de l’oral d’admission à Sciences Po…
Les personnages sont attachantEs, en premier lieu Kayden, mais aussi Samy, rêveur et toujours amoureux.
Politique sans être un roman à thèse, Jouer le jeu vaut la peine d’être lu.
Sally Brina