Publié le Mercredi 19 mai 2021 à 20h00.

Trân Van Thăch (1905-1945) : une plume contre l’oppression, de Chau Tran

Éditions les Indes savantes, 360 pages, 33 euros.

Le 23 octobre 1945, Trân Van Thăch, militant trotskiste vietnamien, est exécuté dans les environs de Saïgon (actuelle Hô Chi Minh-Ville) par une milice stalinienne. Cinquante ans après, l’une de ses filles est partie sur ses traces. En est sorti ce livre à la fois biographie et compilation des écrits de Trân Van Thăch.

Sur les traces de son père

L’autrice, Chau Tran, née en 1938, n’a presque pas connu son père déporté au bagne de Poulo Condore en 1940 et assassiné en 1945. Elle a besoin de connaître les enjeux politiques du meurtre de son père. Grâce à la consultation des archives en France et à Hô Chi Minh-Ville, Chau Tran réussit à brosser un portrait aussi complet qu’émouvant de son père. Après des études en métropole entre 1926 et 1930 durant lesquels il est l’un des principaux animateurs du mouvement anti-impérialiste, Trân Van Thăch retourne en Cochinchine. Dans le contexte de répression coloniale qui suit la mutinerie de Yên Bái (février 1930) et la rébellion du Nghê Tînh (juin 1930 à juin 1931), il contribue à faire naître le mouvement « La Lutte » ainsi que le journal du même nom.

Militant du front unique « La Lutte »

La Lutte est un mouvement unique dans l’histoire du Komintern autant que dans l’histoire du trotskisme : dans le contexte vietnamien où les trotskistes sont en position de force, La Lutte constitue un front unique groupant à la fois des trotskistes, des nationalistes de gauche et des staliniens. Actif dans les années 1930, ce groupe est non seulement un poil à gratter pour les autorités coloniales, mais arrive à diffuser largement à travers son journal et sa participation aux élections les idées communistes et anti-impérialistes.

Lorsque le Komintern s’engage dans sa politique des fronts populaires, il cesse de soutenir la perspective des indépendances dans les colonies. Les trotskistes qui dénoncent cette trahison font alors les frais de la répression stalinienne. En 1939, Nguyen Aï Quôc recommande d’« exterminer politiquement » les trotskistes. Après la révolution d’août 1945, sous l’impulsion du stalinien Trân Văn Giàu, c’est même une élimination physique qui s’opère. Un à un, les militants trotskistes du groupe La Lutte – comme Tă Thu Thâu ou Huỳnh Văn Phuong – sont éliminés par les milices staliniennes.

Criminels, les staliniens le furent non seulement contre les trotskistes mais aussi contre le mouvement révolutionnaire tout entier, corsetant la lutte à l’indépendance nationale et réprimant toute tentative de dépassement communiste de cet objectif.