Demopolis, 2015, 19 euros.
Il y a maintenant un siècle, du 5 au 8 septembre 1915, se tenait en Suisse la conférence de Zimmerwald. Celle-ci a rassemblé les principaux dirigeants du mouvement ouvrier européen, syndicalistes, politiques, qui refusaient l’union sacrée et, internationalistes, militaient contre la guerre impérialiste, dont Trostki et Lénine. Julien Chuzeville qui a déjà publié Militants contre la guerre 1914-1918 ainsi qu’une biographie de Fernand Loriot y consacre un livre qui, pour la première fois en français, rassemble les textes qui ont donné naissance au mouvement de Zimmerwald dont est née, en 1919, la Troisième Internationale.
Cette conférence est devenue le puissant symbole de la lutte contre la guerre impérialiste et contre la capitulation, « la faillite » selon l’expression de Lénine, de la Deuxième Internationale. En effet, en se ralliant à l’union sacrée le 4 août 1914, la social-démocratie avait renié ses propres résolutions des congrès de Copenhague de 1910 et de Bâle en 1912 qui déclaraient la « guerre à la guerre » en appelant à « la solidarité internationale du prolétariat ».
Le 2 décembre 1914, Karl Liebknecht, député au Reichstag, vote seul contre les crédits de guerre. Il devint ainsi à travers l’Europe le symbole de la lutte contre la guerre pour une paix démocratique respectant le droit des peuples.
La conférence du petit village suisse de Zimmerwald se situe dans la continuité de ce geste. Malgré l’effondrement du mouvement ouvrier et les difficultés créées par l’état de guerre et la police, elle réunira 38 délégués. Il en sortira un manifeste rédigé par Grimm et Trotski qui se conclut ainsi : « Par-dessus les frontières, par-dessus les champs de bataille, par-dessus les campagne et les villes dévastées, Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » Une deuxième conférence se tiendra l’année suivante à Kienthal.
On peut regretter que le livre ne consacre pas plus de place à la position de Lénine qui militait pour la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile sans craindre la défaite de sa propre bourgeoisie, « le défaitisme révolutionnaire ». Mais ce livre est un chaleureux témoignage de ce moment où quelques militants ont sauvé le mouvement ouvrier révolutionnaire, ouvrant la voie par leur courage, leur indépendance morale et politique vis-à-vis de la bourgeoisie, leur audace, au mouvement révolutionnaire de l’après-guerre, à Octobre 1917 et à la naissance des partis communistes. À lire et à faire lire.
Yvan Lemaitre