La crise écologique oblige à réfléchir sur le fonctionnement même du capitalisme à l’échelle de la planète. C’est ainsi un levier fondamental pour redonner tout son contenu subversif à notre critique marxiste du capitalisme, à la perspective du socialisme.
Avec la mondialisation, le capitalisme a généralisé des contradictions qui étaient présentes dès son origine. D’où l’importance de nous réapproprier la critique que Marx et d’Engels ont fait du capitalisme naissant en la débarrassant de toutes les caricatures liées au stalinisme ou à la social démocratie.
C’est dans ce cadre que se pose le débat avec les différents courants de l’écologie politique dont l’écosocialisme. Les camarades qui s’en revendiquent veulent à juste titre actualiser le programme socialiste en y intégrant la question écologique. Mais plus qu’une actualisation leur démarche s’apparente plutôt à un compromis inutile avec des courants écologistes qui bien que radicaux ne se situent pas sur le terrain de la lutte des classes.
Ainsi les camarades ont tendance à réduire le capitalisme au productivisme. Mais notre critique va en réalité au-delà. La production socialisée capitaliste a atteint un niveau encore inégalé sur la base des progrès techniques des différentes révolutions industrielles. Du fait de l’appropriation privée capitaliste, le but de cette production n’est pas tant de « produire pour produire » mais bien de produire pour vendre, réaliser une plus-value, accumuler du capital. Cette fuite en avant pour l’accumulation du capital se fait à travers une lutte des classes acharnée qui entraîne tout autant le productivisme et la société de consommation que l’aggravation de la misère pour le plus grand nombre à l’échelle du monde.
Alors au-delà du productivisme c’est cette incapacité fondamentale du capitalisme mondialisé à être le cadre d’un développement raisonné sur le long terme et à l’échelle de la planète qu’il nous faut dénoncer car elle révèle tous les mensonges du libéralisme sur les vertus du marché et de la libre concurrence et pose la nécessité d’une planification démocratique mondiale.
Or de la critique du productivisme capitaliste les camarades écosocialistes glissent vers la critique des ravages incontestables du productivisme du « socialisme réel » et ce qui est plus problématique, cherchent dans Marx, Engels, Trotski les conceptions qui annoncent ce productivisme…
Les régimes du « socialisme réels » sont la conséquence de l’échec de la vague révolutionnaire des années 20 et de la pression de la contre révolution qui a entraîné la mise en place d’une bureaucratie en rupture totale avec le projet révolutionnaire. Le marxisme, vidé de tout contenu subversif, est devenu une « religion d’Etat » pour justifier des régimes de dictature. De même le productivisme du PCF ou des syndicats est avant tout la conséquence de leur intégration à la société capitaliste et de leur renoncement à la perspective d’une révolution sociale.
Nous ne sommes pas comptables ni des expériences désastreuses des régimes ou partis qui n’étaient en rien socialistes ni des errements théoriques de ceux qui ont pu avoir des illusions, consciemment ou non, sur ces régimes du « socialisme réel ».
A travers les débats sur les questions stratégiques il s’agit justement de débarrasser le projet émancipateur du socialisme de toutes ces caricatures pour se réapproprier la radicalité de la critique de fond du mode de production capitaliste faite par Marx.
Sur la base des problèmes tels qu’ils se posaient à son époque, Marx a dénoncé l’incapacité du capitalisme, à cause de ses contradictions internes, à maintenir un équilibre dynamique harmonieux entre la société humaine et la nature dont elle est pourtant partie intégrante. A une époque où l’écologie était encore une science en gestation, la contradiction apparaissait dans l’antagonisme croissant entre les villes industrialisées polluées et les campagnes où les paysans étaient confrontés à une crise de la fertilité des sols. Ce n’est ni la science, ni la technique, ni un productivisme abstrait que Marx rendait responsable de cette rupture d’équilibre des grands cycles naturels mais bien l’organisation sociale et politique de la société capitaliste.
Cette démarche garde toute son actualité. Le marché capitaliste mondialisé sans entrave, soumis à la seule recherche du profit le plus immédiat, rend impossible toute prise en compte des conséquences à long terme sur l’environnement des activités humaines. Les lois du marché s’opposent frontalement à la recherche d’un équilibre harmonieux entre la société et son environnement. C’est cet antagonisme fondamental qui donne à la crise écologique son caractère révolutionnaire.
Ainsi intégrer les données scientifiques actuelles sur la crise écologique à notre programme socialiste réactualise le marxisme dans ce qu'il a de plus philosophique : la critique de l'aliénation que le capitalisme entraîne dans les rapports entre l'Homme et la Nature. En ce sens, notre projet socialiste est écologique parce qu'en créant les conditions pour une planification démocratique à l’échelle mondiale il ouvre la perspective d'une société humaine pleinement consciente de faire partie intégrante de la Nature.
Bruno (NPA33)