Un texte de Renée-Lise Rothiot, habitante de Vittel, militante pour la défense de l’eau.
Sur les cinq continents avec sa centaine d’usines d’embouteillage (de bouteilles plastiques), Nestlé, comme les autres grandes multinationales, conduit les territoires exploités à la catastrophe sociale, économique, écologique. La France ne déroge pas au modèle qui se développe entre autres au Brésil, aux USA, au Canada…
Dans les Vosges, Vittel, marque prestigieuse, cité thermale mondaine… pensait être préservée de cette brutalité. Mais les chiffres sont éloquents : en 1975, il y avait 4 500 emplois bien rémunérés, et 400 millions de bouteilles d’eau vendues ; en 2015, moins de 1 000 emplois, dont 150 précaires, et 1,6 milliard de bouteilles produites… Moins d’emplois, mais aussi un pillage de l’eau sans retombée économique pour le territoire, sauf bien sûr pour les actionnaires de Nestlé. À Vittel, la nappe souterraine des Grès est menacée d’épuisement suite à sa surexploitation par Nestlé. L’impact économique de son embouteillage est quasi nul sur le territoire puisque cette eau est exportée, en Allemagne pour l’essentiel, et à ce titre exonérée de la surtaxe sur les eaux minérales !
Amener de l’eau d’ailleurs pour la faire boire à la population ?
La recette de prise en main du territoire sur quelques années est simple : déculturer ce territoire (changer le nom des sources, des usines…), accaparer les terres agricoles avec l’aide de la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) pour installer des métayers dociles (s’il n’y a plus d’ouvrier il y aura une nouvelle population captive), importer les cadres stratégiques (à Vittel on les appelle « les nouveaux Vittellois »), s’approprier une grande partie des élus qui aident le groupe une fois en fonction.
Nestlé est autorisée à embouteiller cette eau des Grès qui est aussi celle du robinet des citoyenEs. Tout ce monde prélève 3 millions de mètres cubes par an, et il ne s’en recharge que 2 millions. Le différentiel étant à peu près le volume prélevé par Nestlé… Cette nappe est donc en baisse permanente et le Bureau de recherche et de géologie minière (BRGM) ne répond plus à partir des années 2040. Quelle est la solution proposée par la Commission locale de l’eau ? Amener de l’eau d’ailleurs pour la faire boire à la population, et permettre ainsi à Nestlé de poursuivre son activité (ce qui intéresse aussi Suez…). Une première au regard de la loi sur l’Eau de 2006, qui garantit la priorité d’usage aux habitantEs et non aux industriels.
Complicités institutionnelles
Tout cela est possible grâce à la complicité des élus et de l’administration, sur fond de suspicion de prise illégale d’intérêt. Une enquête préliminaire est en cours, dépaysée récemment d’Épinal à Nancy. La présidente de la Commission locale de l’eau jusqu’à fin 2016 était tout simplement l’épouse d’un cadre dirigeant de Nestlé Waters, lui-même président d’une association, la Vigie de l’eau, portée sur les fonts baptismaux par Nestlé et chargée par le conseil départemental de porter le Schéma d’aménagement et de gestion des eaux pour la Commission locale de l’eau ! C’est plus facile en famille !
Un collectif Eau 88 s’est créé dans les Vosges, il compte plus de 600 adhérentEs. Un collectif d’éluEs est en train de se mettre en place, mais les syndicalistes des sites de production Nestlé sont injoignables ici depuis 3 ans, au moins à titre collectif !
La Commission nationale du débat public vient de clore une concertation publique préalable sous la pression des médias, essentiellement étrangers, qui ne cessent de communiquer depuis mars 2018, date à laquelle Mediapart s’est saisi du sujet.
Cette concertation n’a été qu’un alibi pour refaire passer le même projet déjà voté en avril 2016, août 2018 et enfin en mai 2019, sans tenir aucun compte des expressions de la concertation.
La lutte en cours va donc devoir évoluer pour faire reculer Nestlé et… les pouvoirs publics.
L’eau est un bien commun inaliénable !
Pour plus d’informations sur le sujet : https://www.leauquimord.com/