L’Afrique du sud est proche de son pic d’eau c’est à dire qu’elle est en train de passer d’une période où l’économie était dirigée par la demande à une période où elle est restreinte par les limites de l’offre, avec les effets qu’on peut imaginer sur la croissance et donc sur la stabilité sociale du pays. Les zones les plus affectées concernent les bassins de la rivière Orange, le premier fleuve du pays, et de son plus gros affluent, la rivière Vaal. C’est la zone de loin la plus peuplée du pays qui comprend la capitale économique, Johannesbourg, et la capitale administrative, Pretoria. 45 % de la population et 60 % de l’économie sont donc en danger.
Le drainage minier acide est un écoulement continu d’effluents de mines d’or ou de charbon. Par une succession de réactions chimiques spontanées, la température de l’eau (riche en métaux lourds, souffre et pyrite qui sert de catalyseur) augmente et l’eau s’enrichit en acide sulfurique et donc s’acidifie pour atteindre un pH aussi bas que 3 (à comparer à un pH neutre de 7 !).
Ce phénomène peut se produire dans des mines en activité par pollution des exhaures ou par les bassins de décantation. Mais en Afrique du sud, les causes les plus importantes sont les mines d’or qui ont été fermées et qui ont été inondées. En effet, lors de l’inondation, le niveau de l’eau monte et elle entre en contact avec les nappes phréatiques et les aquifères et finit donc par pénétrer dans le réseau d’eau douce.
Pour les populations locales, c’est une double catastrophe : la fermeture des mines s’accompagne inexorablement du déclin économique du bassin minier, de chômage et de l’appauvrissement des populations. Ceux qui restent sur place et comptent sur l’agriculture de subsistance pour survivre s’empoisonnent lentement. Les niveaux de sulfates peuvent dépasser 10 fois les normes internationales. L’exposition à de l’eau polluée par le drainage minier acide conduit à des cancers, des problèmes dermatologiques et des déficiences cognitives. La présence de métaux lourds compromet le développement du système nerveux des fœtus. L’activité des agriculteurs et des éleveurs qui sont situés en aval des pollutions est mise en danger.
S’il existe des moyens techniques de traitement, cela a un coût prohibitif pour les compagnies minières qui préfèrent abandonner les mines et par là-même leurs obligations environnementales. Il reste donc à la collectivité de constater que, comme partout ailleurs, le principe de « pollueur-payeur » ne fonctionne pas et de de « gérer » le problème. Traiter le drainage minier acide pose des problèmes quasi insolubles. Il faut en effet, tels les Shadoks, pomper, pomper et… traiter. Cela demande beaucoup d’énergie et/ou beaucoup d’espace, ce qui pose d’autant plus de problèmes dans des zones à haute densité de population comme autour de Johannesbourg. Et il faut le faire pendant des années alors qu’il n’y a plus de revenus des mines. Les rivières polluées mettent des années à retrouver des valeurs normales après que toute pollution ait cessé.
La seule solution pour l’avenir c’est que les entreprises minières pratiquent la politique du zéro-effluent et que le problème de l’acidification de l’eau soit traité à sa source. Ce qui ne résout pas le problème des milliers de mines d’or qui ont fermé depuis la découverte des gisements aurifères au XIXe siècle.
François Favre