C’est le troisième mouvement de grève important à la SNCF en l’espace de six ans. Il témoigne, une fois de plus, que les cheminots restent un secteur particulièrement combatif de la classe ouvrière en France. Bien que le pacte ferroviaire ait été voté, le rejet de la réforme et la défiance vis-à-vis de la direction de la SNCF restent forts.
1. Le pacte ferroviaire : l’aboutissement de 20 ans de politiques libérales
C’est le résultat d’un processus engagé au début des années 1990, notamment avec la directive européenne 91/440. Elle avait pour objectif d’« assainir la situation financière des sociétés de chemin de fer », de « les rendre indépendantes de l’Etat », « d’ouvrir les réseaux aux autres États membres et de séparer la gestion de l’infrastructure de l’exploitation du réseau », du moins de manière comptable.
Dans cette perspective de « rentabilisation », en 1995, un contrat de plan prévoyait de supprimer plus de 6 000 kilomètres de lignes. Cumulé à une réforme de la Sécurité sociale, le contrat de plan a été renvoyé dans ses cartons suite à la grève de novembre et décembre 1995 dans laquelle les cheminots ont joué un rôle de premier plan. Le rapport Spinetta, qui est la base du Pacte ferroviaire, préconise lui aussi la suppression de près de 9 000 kilomètres de lignes. Sans surprise, on y retrouve une bonne partie des lignes prévues dans le contrat de plan de 1995 ! C’est un bon exemple du « retard » pris par la France pour la libéralisation du chemin de fer suite à la grève de 1995. Un « retard » que la bourgeoise française n’a eu de cesse de vouloir le rattraper depuis 23 ans.
Mais c’est à la « gauche plurielle » que revient le début réel de cette offensive. En 1997, devançant la directive 91/440, le gouvernement Jospin a totalement séparé l’infrastructure (les rails) de l’exploitation avec Réseau ferré de France. A l’époque déjà cette réforme était dénoncée : RFF faisant payer des péages à la SNCF pour rouler sur « ses » rails, il serait facile ensuite de faire payer ces péages à n’importe quelle autre entreprise ferroviaire, donc d’aller vers la libéralisation du secteur.
RFF, qui était présenté en 1997 comme « la solution miracle » pour désendetter la SNCF, a eu l’effet totalement inverse. Cumulé à la construction des lignes à grande vitesse, la dette de la SNCF s’élève maintenant à 55 milliards d’euros. Et c’est cette même dette qui sert de leitmotiv pour expliquer qu’il faut réformer la SNCF…
Paquets ferroviaires européens, libéralisation du fret, ouverture du trafic voyageur international à la concurrence, casse du RH 077 (« code du travail » de la SNCF)… Cela fait vingt ans que la SNCF vit au rythme de réformes qui ont toutes le même objectif : arriver à la situation actuelle, présentée alors comme inéluctable.
2. À la croisée de la réforme ferroviaire de 2014 et de la loi Travail de 2016
La dernière réforme ferroviaire date de 2014. Elle anticipe tout ce qui est venu avec le Pacte ferroviaire. La réforme de 2014 a permis le saucissonnage de l’entreprise. L’idée est d’éclater la SNCF afin de mieux séparer les activités rentables des autres et préparer la privatisation de l’entreprise.
En 2016, en même temps que la loi Travail, gouvernement et SNCF attaquaient la réglementation du travail propre aux cheminots. Cette attaque avait pour objectif de casser les « avantages » des cheminots, c’est-à-dire le statut, pour permettre à la SNCF d’être compétitive dans l’environnement concurrentiel à venir en créant une Convention collective nationale (CCN) pour le ferroviaire qui s’appliquerait à l’ensemble des entreprises du secteur. Bien évidemment, alors que les conditions de travail des cheminots sont loin d’être enviables, tout cela a un seul but : précariser encore un peu plus. Le rapport Spinetta est sur ce sujet d’une clarté absolue. On peut par exemple y lire que la SNCF « connait des excédents d’effectifs qu’elle gère tant bien que mal, le statut lui interdisant de recourir à des procédures de ruptures collectives »1.
Et bien évidemment, les « négociations » sur la CCN entre le gouvernement, les syndicats et les patrons du transport ont commencé au mois de juin, en plein mouvement contre le pacte ferroviaire ! Réforme ferroviaire de 2014 et attaque contre le droit du travail en 2016 sont bien les deux faces d’une même médaille dont l’aboutissement se joue au printemps 2018.
A cela il faut ajouter une troisième offensive avec le Comité économique et social qui envisage de supprimer les CHSCT mais aussi les délégués du personnel. Concrètement, les syndicats disposent grosso modo de 2 millions d’heures à la SNCF pour fonctionner ; cela pourrait descendre en dessous de 700 000 heures, soit une baisse des 2/3. Pour ne rien arranger, les élections sont prévues à l’automne 2018 et il y a fort à parier qu’à la rentrée de septembre les syndicats aient plus la tête aux élections qu’à reprendre la lutte contre le pacte ferroviaire.
Et de son coté, la direction de la SNCF ne chôme pas : en plein mouvement, elle annonce un énième plan de destruction d’emplois dans le fret et sa volonté d’en finir avec les « accords locaux » qui représentent des acquis obtenus dans certains établissements au fil des ans.
C’est une véritable stratégie du choc : attaquer de toutes parts, fort et vite en espérant neutraliser son adversaire par asphyxie.
3. Un enjeu pour Macron
Pour Macron, réussir à « faire plier » les cheminots doit être un marqueur du début son quinquennat. La fin du statut de cheminot est d’un intérêt économique assez limité pour la SNCF, mais c’est une nécessité pour le gouvernement. Comment justifier de nouvelles attaques contre le code du travail, et notamment le CDI, si dans le même temps des « privilégiés de cheminots ont encore l’emploi à vie »2 ? Cela doit servir d’exemple afin de permettre par la suite de s’attaquer aux autres catégories.
Le Pacte ferroviaire est, en outre, un cas d’école du principe de la socialisation des pertes et de la privatisation des profits. La SNCF engage de grands travaux de rénovation d’une partie du réseau avant l’arrivée de la concurrence pour lui permettre de s’installer sur des voies en bon état ; le prix des péages devrait baisser à partir de 2022 pour permettre aux opérateurs ferroviaires de dégager des marges de profit ; en cas de reprise d’une ligne par une entreprise privée, celle-ci pourra récupérer le matériel de la SNCF au tarif subventionné. En plus de la suppression de milliers de kilomètres de lignes qui seront laissés au « bon vouloir » de régions déjà exsangues3, la SNCF, dans un souci de rentabilité, a déjà fait des projections sur le maintien des gares TGV. En passant de 200 gares desservies actuellement à quarante, « la marge opérationnelle augmenterait de plus de 20 % et l’exploitation pourrait être réalisée avec un parc de rames TGV réduit d’un tiers »4. Étant donné que tout cela est anticipé depuis longtemps, il est déjà prévu de réduire le nombre de rames à 302 en 2027 contre 415 aujourd’hui…
4. L’invention du 2/5 : une usine à gaz
On était en droit d’attendre de l’intersyndicale de la SNCF une riposte à la hauteur. Mais avec l’invention de « la grève 2/5 », ce n’est pas le chemin qui a été pris. Le 2/5 a consisté à mettre en place un planning du mouvement avec deux jours de grève puis trois jours de travail, du 2 avril au 28 juin. Sud-Rail s’est démarqué, mais pas toujours clairement, sur ce point, de l’intersyndicale CGT, CFDT, UNSA (à laquelle FO n’est pas invitée faute de représentativité).
Du point de vue de la démocratie ouvrière et de l’auto-organisation la plus élémentaire, ce préavis était une calamité : il a laissé entre les mains des syndicats la tenue du mouvement du début jusqu’à la fin. Les assemblées générales (AG), sans enjeu puisque tout était déjà décidé à l’avance, se sont vites vidées. C’est un recul vis-à-vis de la souveraineté des AG, et il faut certainement remonter avant 1986 pour voir un mouvement aussi verrouillé par les appareils. Mais malgré tout, c’est ce mode d’action que les cheminots ont privilégié, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons.
Ce préavis, en annonçant trois mois de grève, avait un aspect faussement radical : en se calant sur les « négociations » jusqu’en juin (qui n’ont pas eu lieu…), il cachait dès le début la volonté de l’intersyndicale de ne pas mener la bataille pour le retrait du Pacte ferroviaire, mais pour son aménagement.
Cette stratégie était également présenté comme « innovante et maligne » et ayant au moins trois avantages : elle allait permettre de ne pas perdre trop d’argent ; la grève perlée allait désorganiser la production (déjà tendue) et créer un « gros bordel » qui amènerait au blocage ; tenir pendant trois mois allait laisser du temps aux autres secteurs pour nous rejoindre.
Pour ce qui est d’une grève à l’économie, c’est raté : avec 38 jours de grève sur trois mois, sans compter les nombreux cheminots qui ont fait près de trois mois de grève, c’est un des conflits les plus chers de la SNCF.
Pour ce qui concerne la désorganisation, la boîte a eu tout le loisir d’anticiper la production pour les jours de grève, s’appuyant entre autres sur les restrictions du droit de grève qui obligent les cheminots à se déclarer 48h à l’avance. Et de leur côté, les entreprises privées ont pu anticiper tous leurs déplacements professionnels (séminaires, rendez-vous d’affaires, etc.).
Pour ce qui est de laisser du temps aux autres secteurs de rejoindre les cheminots, en soi l’idée était tout à fait juste et largement comprise et partagée par les cheminots. Mais encore faut-il avoir une adresse particulière aux autres travailleurs du pays, faire le lien entre ce qui se passe à la SNCF (conditions de travail, salaires bloqués, etc.) et la situation des autres secteurs salariés. Et force est de constater que, hormis dans les lieux où se trouvaient des militants politiques, notamment du NPA, cela a peu ou pas été mis en place. Seules deux journées de grève interprofessionnelle auront été organisées en trois mois : le 19 avril et le… 28 juin ! Pire, le 22 mai, journée de mobilisation dans la fonction publique, tombait en dehors du calendrier du 2/5 et il a fallu batailler pour que les cheminots s’y joignent.
5. Pourquoi nous n’avons pas réussi à dépasser le 2/5
Dès les premières AG, des votes ont eu lieu pour proposer une grève reconductible, mais cela est resté minoritaire. A aucun endroit, gare, dépôt, atelier, bureau, la grève reconductible ne l’a réellement emporté. Là ou la grève reconductible a été votée par principe, cela est resté sans effet réel.
Nombre de cheminots se sont laissés convaincre par un préavis qui pouvait apparaître comme « subversif » parce qu’« il changeait un peu ». Il faut dire que, depuis 1995, les cheminots ont participé nationalement à plusieurs préavis reconductibles (au moins six) qui n’ont pas abouti et l’idée qu’« il faut trouver autre chose » – une sorte de mélange entre volonté d’en découdre et de manque de confiance – a fini de convaincre, même certains qui étaient réticents au début. Et puis, rares sont ceux qui voulaient prendre le risque de briser l’unité syndicale.
Mais les problèmes liés à ce préavis sont nombreux : en faisant grève deux jours et en retournant au boulot trois jours, il est impossible de faire vivre la grève, de rédiger des tracts, s’adresser aux collègues qui travaillent encore, se tourner vers l’extérieur, organiser les grévistes syndiqués et non syndiqués. Rapidement ,les AG se sont clairsemées (surtout en Ile-de-France), chacun a commencé à faire son planning de gréviste dans son coin, en fonction de ses impératifs personnels, professionnels ou familiaux. De 48h, la grève est passée à un jour de temps en temps. C’est le caractère collectif de la grève, c’est-à-dire sa force principale, qui en a pris un coup, chacun étant renvoyé à un raisonnement plus individuel que collectif.
Force est de reconnaître, en outre, que là où la « perlée » fonctionnait bien, elle n’a pas été remise en cause. Et c’est là ou elle fonctionnait moins bien qu’il y a eu le plus de tentatives, même minoritaires, de tenter autre chose. Mais pour les partisans de la perlée, il était assez facile d’argumenter : « Là où ça marche, pas besoin de changer, et là où les grèves de 48h ne marchent pas très bien… la reconductible ne prendra pas plus ! ».
C’est une réalité de ce mouvement : à aucun moment il n’a réussi à dépasser le cadre fixé par l’intersyndicale. Et, à partir du moment où le mouvement s’est installé dans ce calendrier, les militants politiques se sont vite retrouvés face à un dilemme : le critiquer en permanence, alors que les cheminots n’avaient pas fait le choix d’une grève reconductible, devenait contre-productif, et pouvait même faire fuir certains avec l’argument « Si c’est si nul, je laisse tomber ». Il revenait donc aux militants, notamment du NPA, de proposer des moyens pour faire vivre la grève au quotidien, par des comités de mobilisation, l’inter-gares en Ile-de-France ou différentes initiatives, notamment en direction des autres salariés, tout en maintenant l’idée que la riposte à construire ne ferait pas l’économie d’une grève reconductible.
6. Grève ou blocage ?
Durant un temps il y a eu l’illusion que la grève perlée allait désorganiser le trafic et finir par le bloquer, souvent en référence à la grève de novembre-décembre 1995. L’idée du blocage, avec souvent un vernis radical, est dans l’air du temps, comme une fin en soi. C’est une erreur. Notre objectif doit rester de construire la grève… qui peut amener au blocage, pas l’inverse.
Durant la grève, le trafic a été bloqué totalement plusieurs fois : à gare de l’Est, par exemple, suite à un arrachement de caténaire et des arbres tombés sur la voie. À la gare Saint-Lazare, c’est suite à la défaillance d’une pièce datant de 1966 que le trafic a été interrompu toute une matinée. Ces évènements, indépendants de la grève, n’ont pas modifié le rapport de forces durant le mouvement. Si l’objectif est « le blocage pour le blocage », la direction de la SNCF a plusieurs longueurs d’avance. Les « blocages » de la direction de la SNCF provoqués par les ruptures de caténaires, les accidents comme celui de Brétigny, les arbres tombés sur les voies n’ont rien d’accidentel : depuis 2004, elle a supprimé en moyenne 350 emplois par an à l’entretien des infrastructures. Elle envisage d’en supprimer encore 680 en 20185.
Ce qui a fait la force de novembre décembre 1995, c’est que les cheminots ont en moyenne fait 5,8 jours de grève par agent sur trois semaines, contre un peu plus de 3 jours sur trois mois cette fois-ci. On pourra retourner les choses dans tous les sens (et de nombreux cheminots ont pensé qu’il suffisait par exemple de changer de calendrier, de faire une grève tournante dans la grève perlée, etc.), mais face à Macron, on ne fera pas l’économie d’un mouvement reconduit chaque jour dans des assemblées de grévistes.
7. Une détermination incroyable
Le plus marquant, toutefois, dans ce mouvement, c’est sa détermination, son ancrage parmi les cheminots. Les taux de grévistes ont été impressionnants, frôlant parfois les 100 % dans certains établissements de roulants. Le référendum organisé par les syndicats vers la mi-mai a été un raz-de-marée, avec 95 % de votants opposés au Pacte ferroviaire, accentuant la crise de confiance entre les cheminots et la direction. Rares sont celles et ceux qui n’ont pas à un moment ou un autre participé à ce mouvement. Cette détermination s’est nourrie de plusieurs éléments.
La compréhension que l’enjeu est lourd de conséquences, que l’on assiste à une bascule dans l’entreprise, est largement partagée. La SNCF finit par rejoindre les entreprises publiques passées à la moulinette des privatisations, à l’instar de La Poste, France Télécom, Air France ou EDF-GDF dans les années 1990 et 2000.
La volonté gouvernementale de « se faire les cheminots » a réveillé les salariéEs, créé un sursaut de combativité. Paradoxalement, tous les mensonges dans les médias, le « cheminot-bashing » au début du mouvement, ont renforcé la détermination. Tout en ne tombant pas dans le corporatisme, le mouvement s’est nourri du sentiment de faire partie de la « grande famille cheminote » attaquée. Cela peut sans doute faire sourire, mais c’est une réalité qui a souvent été évoquée. Dans les assemblées générales ou sur les réseaux sociaux, des cheminots revendiquaient leur appartenance à la SNCF, et « pas à une filiale ou une autre entreprise privée », le tout mêlé à une certaine fierté. Pendant plusieurs semaines, les cheminots ont chanté en boucle « On est là, on est là, même si vous ne le voulez pas, nous on est là, pour l’honneur des cheminots et l’avenir de nos marmots, nous on est là. »6
Le mouvement s’est aussi nourri du climat qui régnait autour de la grève. L’idée que l’enjeu de la mobilisation dépassait largement la SNCF a bien été compris. Macron ne voulait pas seulement isoler les cheminots : il voulait que son attaque soit partagée par la population. Il attendait une adhésion contre « ces feignants de cheminots qui prennent encore la France en otage ». Ça n’a pas marché et les cheminots l’ont vite compris, ce qui a renforcé leur détermination. Plusieurs éléments ont poussé dans ce sens.
Par exemple, début mars, l’intervention d’Olivier Besancenot sur le thème « On est tous le cheminot de quelqu’un » à l’émission « On n’est pas couché » a fait prendre conscience à beaucoup que tout le monde était concerné. Les cheminots ont vite compris que, contrairement à ce qui était expliqué ici et là, ils étaient soutenus.
Le succès des caisses de grève est un bon indicateur. La caisse en ligne a rapporté plus d’1,2 million d’euros. Localement, les grévistes ont souvent mis en place une caisse supplémentaire qu’ils faisaient tourner dans les manifs, les gares, ou qui recevait des dons de solidarité d’autres entreprises. Sur Paris-Est, par exemple, la caisse a récolté plus de 45 000 euros. En comparaison, en 2016, la même caisse avait rapporté 6 800 euros.
Les distributions de tracts aux usagers se passaient aussi dans de bonnes conditions. Nombreux sont les voyageurs qui tapaient sur l’épaule des grévistes en disant « Surtout ne lâchez rien », « On compte sur vous ». Ces encouragements, même s’ils allaient dans le sens d’une grève par procuration, ont renforcé les grévistes. Tout ce qui aidait à empêcher l’isolement, les collectes dans les entreprises, l’appel des organisations de gauche contre le pacte ferroviaire, les prises de positions de personnalités, etc., a renforcé la lutte.
8. Des éléments pour la suite
Il est toujours difficile de faire le bilan d’une grève… surtout quand elle n’est pas terminée. Il reste aujourd’hui encore une importante volonté d’en découdre dans l’entreprise. Nombreux sont celles et ceux qui évoquent déjà la rentrée pour s’y remettre.
Mais on peut d’ores et déjà se féliciter des acquis précieux de ce mouvement. Des réflexes pris lors de la grève contre la loi Travail ont tout de suite ressurgi ; comme la mise en place de comités de mobilisation ou de l’AG inter-gares en Ile-de-France.
L’idée de la perlée était de désorganiser la production. Mais c’est surtout la grève qui a été désorganisée… En même temps, le verrouillage de la part des appareils a laissé un espace pour que s’expriment celles et ceux qui étaient en désaccord. Plus que la somme d’expériences d’auto-organisation de gares, l’AG inter-gares a regroupé de nombreux grévistes combatifs. Pour beaucoup, c’était un espace de liberté par rapport à des AG de gares plutôt mornes. Et c’est vite devenu un rendez-vous incontournable, qui donnait la pêche, organisait des actions, lançait des appels dont des collègues ont pu se saisir dans différents endroits pour lancer des discussions, regrouper celles et ceux qui voulaient faire autre chose. L’inter-gares a notamment insisté sur la revendication du retrait du pacte ferroviaire, réussissant à la mettre au cœur des discussions parmi les grévistes. L’idée simple et saine de cette AG, qui ressemblait certes souvent à une sorte de meeting, était de rappeler que la grève doit appartenir aux grévistes, et pas aux directions syndicales. Mais le niveau de la grève en général n’a pas permis de proposer réellement une autre politique… Ainsi, en dépit de ses limites, cette AG inter-gares fait partie du bilan positif de cette grève.
A l’heure où ces lignes sont écrites, il serait vain de se cacher derrière son petit doigt : le gouvernement, depuis le vote du Pacte ferroviaire à l’Assemblée, a marqué un point important.
Mais durant trois mois, et encore durant l’été, les cheminots ont montré qu’ils n’étaient pas prêts à se laisser faire. Malgré plusieurs défaites ces vingt dernières années, la vitalité de ce secteur est stupéfiante.
Malgré les limites de cette « drôle de grève », les cheminots ont montré le chemin : le monde du travail devra agir « tous et toutes ensemble » pour mettre un coup d’arrêt aux politiques de Macron et du patronat. Si Macron voulait faire une démonstration en « écrasant » les cheminots et en montant la population contre eux, c’est raté ! Au contraire, ils ont bénéficié d’un large soutien qui s’est nourri de la compréhension que ce qui était en jeu dépassait largement des « intérêts corporatistes ».
C’est un bon signe pour l’avenir.
Ali Jonas
- 1. Jean-Cyril Spinetta, « L’Avenir du transport ferroviaire » (texte connu comme le « rapport Spinetta »), 15 février 2018, page 103.
- 2. Les licenciements existent pourtant à la SNCF : autour de 440 par an. Si on ajoute les demandes de ruptures conventionnelles, les démissions et autres départs « volontaires », ce sont 2 000 cheminots qui quittent la SNCF tous les ans.
- 3. Par ailleurs, tout en expliquant que ce sont les régions qui devront choisir de financer telle ou telle ligne, le gouvernement leur demande 13 milliards d’économies pour 2018.
- 4. Rapport Spinetta, page 64.
- 5. La Vraie info, journal de la CGT Cheminots, page 11. En ligne sur https://www.cheminotcgt….
- 6. Il s’agit de la reprise d’un chant des supporters de foot de Lens dont les paroles ont été modifiées par des cheminots lyonnais.