Dans ses dénonciations haineuses des militants d’extrême gauche, voire des trotskistes qui dirigeraient la CGT, Valls retrouve les accents de Jules Moch sur la mainmise des communistes sur la CGT lors des grèves de 1947 et surtout celle des mineurs de 1948...
Elles illustrent, à leur façon, la place que, dans l’imaginaire du Clemenceau du 21e siècle, occupe le PCF dans la CGT d’aujourd’hui...
C’est dans les années précédant la scission CGT-CGTU de 1921 que s’étaient constitués les premiers noyaux communistes dans la CGT, conformément aux consignes de l’Internationale communiste. Les « réformistes » exigent leur dissolution et l’incompatibilité des mandats politiques et syndicaux. La bolchevisation qui tourne rapidement à la stalinisation du PCF s’accompagne d’une volonté de prolétarisation du parti.
L’incrustation du PCF dans la CGT doit prendre en compte les fondements du syndicalisme français, la Charte d’Amiens visant à protéger le syndicalisme du réformisme politique. Elle inscrivit dans les gènes du syndicalisme français une défiance par rapport à la politique en général et une institutionnalisation du fédéralisme, deux caractéristiques qui traverseront le siècle même au plus fort et après la domination stalinienne.
Avec l’inscription dans la stratégie du Front populaire faite d’unité syndicale, de modération revendicative et de nationalisme, les grèves de 1936 permettent un développement numérique décisif du PCF : de 450 cellules d’entreprise en 1933, il passe à 4 041 en 1937. La grève est considérée, au-delà de la satisfaction des revendications, comme un moyen important d’unification, de progression de la conscience de classe, au cœur de l’activité syndicale.
(In)subordination ?
Mais dans le même temps, cette activité doit être subordonnée à la stratégie politique du parti représentant des intérêts historiques du prolétariat. Cela, malgré le renoncement officiel aux fractions, marquera durablement les rapports PCF-CGT. Depuis l’obsession de l’unité avec le Parti radical en 1936 jusqu’à celle de l’unité de la gauche de 1968 à 1978, c’est ce qui explique la volonté de modération des mouvements sociaux imposée à la CGT.
Tout ne fut pas si simple. Le national-chauvinisme du Parti entrera en conflit avec l’engagement, soutenu par la CGT, des ouvriers algériens au côté du FLN. Le radicalisme anti-américain autour du plan Marshall devra céder devant la réalité des pressions sur la CGT de Renault, finalement signataire de l’accord d’entreprise de 19551.
Il faudra l’échec de l’Union de la gauche en 1978 et surtout les désastres provoqués par les participations répétées aux gouvernements de « gauche » pour que s’opère une prise de distance toujours plus grande entre le PCF et la CGT, marquée notamment par l’arrêt des désignations dans le cadre du PCF des responsables CGT (régionaux, de branches ou nationaux). C’est ce qu’a concentré et illustré le douloureux passage de Thibault à Martinez.
Robert Pelletier
- 1. Accord comportant une programmation du mouvement des salaires sur trois ans, instituant une commission paritaire du coût de la vie, un système de retraite complémentaire pour les « non-cadres » et une troisième semaine de congés payés.