Nous publions ci-dessous une contribution du camarade Adel Abderezak, du Parti socialiste des travailleurs (PST) d'Algérie.
Le confinement, comme le déconfinement partiel, brouille complètement la visibilité des citoyenEs. Des décisions incohérentes sont prises par un exécutif bureaucratique et autoritaire sans projet ni pour la société ni pour l'économie, avec une gestion de l'urgence dans l'opacité et une neutralisation répressive de tout ce qui représente une opposition réelle. Le Covid-19 est l'aubaine pour mettre entre parenthèses le Hirak1, s'attaquer à la presse numérique critique et continuer à arrêter des hirakistes. Une normalisation politique des médias se dessine dans la presse écrite qui nous a habitués à un langage « radical » de ses éditoriaux. Le « réalisme politique » semble revenir à la surface chez une certaine élite pro-hirakiste. Un discours très anti-chaâb [peuple] prend la place dans les réseaux sociaux vu les comportements inciviques face au confinement.
Le post-confinement est une bombe sociale
Tout cela n'est pas innocent. Au fond, le volet autoritaire prend le dessus sur les discours conciliateurs dans un contexte où l'opinion internationale ne sera pas regardante sur les atteintes aux droits humains en Algérie. Bref, Tebboune et les généraux de l'état-major vont tout faire pour anesthésier toute velléité d'opposition et libérer la société de cette « radicalité » du Hirak si subversive et potentiellement révolutionnaire ! L'objectif du pouvoir est de garder ce cap jusqu'en décembre, date anniversaire de l'élection anti-Hirak de Tebboune placé par l'état-major. Tout sera fait pour éviter le retour des étudiantEs au déconfinement en déplaçant tout en septembre. Même chose pour les écoles et la formation professionnelle. Les passages seront facilités ou même généralisés pour les élèves comme pour les étudiantEs. L'essentiel est d'éviter leur reconnexion au Hirak jusqu'en septembre alors que ce scénario peut être acceptable si la décision est démocratiquement débattue et la pédagogie préservée.
Casser la chaîne de fraternité et de radicalité du Hirak est une priorité pour le pouvoir. Le déconfinement partiel n'est pas une mesure liée à un mieux dans la gestion de la pandémie. Il répond à un souci majeur : éviter une explosion sociale et un choc de précarisation que l'exécutif n'a pas les moyens d'affronter. Refaire activer l'économie formelle et informelle malgré les risques majeurs d'une amplification de la pandémie ! Ce qui explique le « laissez-faire » du gouvernement face à l'absence de vrai confinement dans la journée. Le post-confinement est une bombe sociale qui peut faire converger le front social avec le Hirak, ce qui inquiète sérieusement le pouvoir.
Museler les médias d'opposition, déstabiliser les réseaux Hirak et maintenir en détention les icônes du Hirak participent à cet état d'urgence non déclaré dont le couvre-feu est l'expression. Reprenons les réflexions critiques, échangeons et lançons le débat entre nous pour décrypter ce qui se passe et tracer une feuille de route pour le Hirak.
Faire converger le front social avec le Hirak
L'organisation de cette révolution populaire devient une exigence, une fatalité. Notre impuissance face à un exécutif qui a l'initiative peut nous faire mal et déprécier le Hirak. Rien n'empêche de s'auto-organiser dans les quartiers, dans les villages et même dans les universités pour que la toile d'araignée du Hirak puisse prendre forme et rétablir la force de frappe du Hirak aujourd'hui neutralisée. Trouvons les formes adaptées au confinement pour relancer cette verve du Hirak en sachant que les réseaux sociaux restent l'outil privilégié pour empêcher cette déconstruction du Hirak. Un outil dont il faut refuser l'embrigadement autoritaire par nos gouvernants illégitimes.
- 1. Non donné au soulèvement algérien. Voir notamment : « Algérie, l’An 1 du processus révolutionnaire »