Retour sur les élections du Parlement d’Andalousie, organisées le 2 décembre.
L’Andalousie aura longtemps été la chasse gardée du PSOE. Pendant la Transition démocratique c’est elle qui a vu, propulsé à la tête de l’État, pendant quatorze longues années, ses fringants, mais vite défraîchis, rejetons sévillans qu’étaient Felipe González et Alfonso Guerra : les deux artisans de l’acclimatation sans complexe du social-libéralisme dans la péninsule à l’unisson de la construction libérale de l’Europe.
Système politique déstabilisé
Aujourd’hui Susana Díaz, héritière de ces duettistes à la présidence de la Communauté autonome, vient de faire subir à son parti un terrible camouflet : avec 28% des voix elle est en passe de devoir céder la place à une coalition de droite s’apprêtant à gouverner avec l’appui de Vox, un parti d’extrême droite qui, contre toute attente, envoie 12 députés au Parlement régional (il n’en comptait jusqu’alors aucun).
Ce chamboulement politique majeur doit être rapporté à la situation de crise politique que vit l’État espagnol depuis 2008 et l’émergence d’un mouvement des IndignéEs qui, bien qu’éphémère, a déstabilisé durablement la mécanique monarchique capitaliste de 33 ans de « miracle démocratique ». Les deux partis hégémoniques pour assurer une alternance « gauche »-droite au profit des élites en place en contenant les poussées de colère épisodiques de la population, ne parviennent plus à remplir leur mission : Mariano Rajoy (PP) a fini par céder la place au gouvernement, pour cause de corruption avérée, au socialiste Pedro Sánchez. Mais celui-ci, sans majorité au Congrès, en est réduit à naviguer à vue : en donnant un coup à gauche, en faveur du salaire minimum, pour redorer son blason populaire, bien décoloré, en donnant un coup à droite contre la volonté d’autodétermination des CatalanEs et en refusant de libérer leurs prisonniers politiques ou en expulsant « à chaud »et à tour de bras les migrantEs qui accostent en terre d’Ibérie.
Revanche du PP, poussée de l’extrême droite
Le refus (ou l’incapacité) de la gauche (PSOE, Podemos et Izquierda Unida) à faire, dès le début de la crise catalane, le pari démocratique de l’autodétermination est probablement ce qui a pesé le plus dans cette élection : Andalousie vs Catalogne, voilà ce que la droite et l’extrême droite auront réussi à exploiter du fonds stéréotypé par lequel les oppositions « nationales » masquent et bloquent les logiques de classes (l’Andalousie bat les records de pauvreté et de chômage). Le PSOE, pourtant assidu à prendre la roue de l’état d’exception promulgué par Rajoy pour casser la poussée indépendantiste en Catalogne, se sera vu incessamment reprocher par son opposition de droite d’être parvenu au gouvernement central avec les votes au Congrès, au demeurant sans lendemain, des catalanistes. Voilà la pointe émergée de l’iceberg des contradictions à l’échelon central qui se sont manifestées explosivement en Andalousie contre une gauche ayant joué, chacune avec sa partition, des pires ambiguïtés ou reniements sur les problématiques nationales sans rien asseoir de décisif, c’est le moins que l’on puisse dire, sur les revendications sociales. Au prix d’une abstention particulièrement pénalisante pour elle (plus de 41%).
Le résultat catastrophique est là : lePP vient de prendre, en Andalousie, sa revanche sur la défaite subie à Madrid. Avec en prime une poussée, sans précédent depuis 1978, des partisans de Franco et de son unité hystérisée de l’État espagnol qui polarisent de plus en plus l’échiquier politique. Le défi posé,en Andalousie, aux partisans de l’émancipation des peuples d’Espagne, est immense et appelle un ressaisissement d’extrême urgence qui n’est pas gagné.
Correspondant