Le pays se trouve dans une crise profonde […] l’insécurité est croissante, comme on le voit avec les agissements impunis de la délinquance. Le narcotrafic croît avec la complicité du gouvernement. Le chômage et l’économie informelle ont augmenté. La dette extérieure, la corruption et la pauvreté se sont accrus. Les classes moyennes ont vu leurs revenus diminuer. L’émigration de nos compatriotes à grandi, au prix de leurs vies.
D’un autre coté, la concentration des revenus à crû au bénéfice de quelques familles. La banque nationale a été mise entre les mains d’étrangers […] Le gouvernement fédéral a livré le contrôle des médias au magnat Carlos Slim […] Des réformes de l’éducation ont été adoptées, en conformité avec des positions idéologiques réactionnaires dont le peuple veut se libérer. Le pays est subordonné à l’empire des Etats-Unis et Vicente Fox [le président qui achevait son mandat] s’est avéré être son laquais.
Sur le territoire d’Oaxaca se trouvent 42 % des municipalités les plus pauvres du pays. Elles n’ont pas accès aux services de base : eau potable, drainage et énergie électrique. 20 % des habitants sont analphabètes. Nous sommes parmi les derniers en matière de développement social, de santé, d’éducation, d’emplois et de revenus.
Actuellement, Oaxaca vit la crise la plus aiguë de son histoire, à cause du gouverneur illégitime Ulises Ruiz qui est arrivé au pouvoir au travers de la fraude électorale la plus coûteuse du pays. En réponse à ce mode de gouvernement dictatorial et corrompu, divers groupes, organisations et personnes se sont unis pour résister à un système de parti unique usé, qui a trahi les intérêts des secteurs populaires en se montrant chaque fois plus agressif. Ce système a approfondi la crise des institutions, à tel point que les organes administratifs, les pouvoirs judiciaire et législatif, en approuvant des lois pour venir en aide au parti d’Etat, ont perdu toute crédibilité.
Le gouvernement fédéral a soutenu Ulises Ruiz et son régime autoritaire en envoyant la Police fédérale préventive (PFP). La violation systématique des droits humains, les violations de domiciles, la torture, les disparitions et les crimes politiques ont augmenté comme jamais […] Cette crise se manifeste aussi par le déni de justice envers les peuples indigènes, auxquels on ne reconnait pas leurs propres normes de partage et de justice […]
Pour affronter l’insurrection civique et se maintenir au pouvoir, Ulises Ruiz a choisi l’usage de la force au travers de sa police et de ses tueurs à gages. A cela s’ajoute l’invasion de la PFP ordonnée par Vicente Fox, qui a fait 17 morts, plus de 200 blessés, 36 disparus et 105 détenus.
Il est évident que l’intervention de la PFP n’a pas rétabli l’ordre social, ni l’état de droit qu’évoquent […] tous ceux qui soutiennent la répression. Au contraire, la suspension de facto des garanties constitutionnelles a approfondi le mécontentement social, qui s’est manifesté à de nombreuses reprises à travers ces multiples mobilisations et protestations citoyennes dans tout l’Etat d’Oaxaca.
C’est au milieu de cette convulsion sociale et politique qu’a été fondée l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (APPO), afin de porter la lutte pour nos aspirations historiques les plus légitimes. Nous exigeons la démission d’Ulises Ruiz, tout en luttant pour une transformation profonde : une nouvelle relation société-gouvernement, dans laquelle le pouvoir soit effectivement entre les mains du peuple. Aujourd’hui, notre revendication fondamentale est la pratique du pouvoir populaire, à travers lequel le peuple prend son destin en main. Dans ce processus, nous soulignons la nécessité de créer une Nouvelle Constituante qui élabore une nouvelle Constitution, pour entreprendre la construction d’un nouveau régime politique, économique, social et culturel sur la base de la justice, de la démocratie complète et de la paix sociale […]
L’APPO est une organisation plurielle et large, qui a pour base la mobilisation consciente et solidaire. Sa structure organisationnelle est horizontale. La prise de décisions doit être collective et par consensus, et les participants s’expriment librement. Il s’agit d’une association où le peuple commande et ses représentants exécutent ses ordres. Dans cette période difficile, l’APPO est la voie pour réaliser les aspirations des ouvriers et des paysans, des communautés indiennes, des femmes aux foyers, des étudiants et du peuple en général. L’APPO propose :
a) une transformation profonde et radicale des relations entre le gouvernement et la société, des institutions et de la façon d’exercer le pouvoir ;
b) comme germe du nouveau pouvoir, construire le pouvoir populaire depuis les colonies, quartiers, communautés, écoles, etc. ;
c) un Oaxaca basé sur une démocratie intégrale, un développement soutenable, l’équité sociale et la justice ;
d) utiliser les conditions politiques et sociales de l’Etat pour commencer le dialogue avec les différents secteurs afin de construire un agenda politique ;
e) nous invitons les forces démocratiques à abandonner leurs attitudes sectaires afin de construire l’unité nationale à travers une Assemblée populaire des peuples du Mexique ;
f) impulser et soutenir la formation d’assemblées populaires des Etats, régionales et locales, qui récupèrent les traditions collectives, communautaires et populaires, et par la pratique des assemblées trouvent l’expression la plus large et développée de démocratie directe ;
g) soutenir et porter toutes les revendications de la mobilisation et de la lutte populaire, pour affronter la répression, la manipulation et la tromperie qui divisent, dispersent et isolent les luttes et les efforts de l’organisation populaire.
Construisons des assemblées populaires à travers tout le pays ! Construisons la grande unité nationale à travers l’assemblée populaire des peuples du Mexique ! Vive le congrès constitutif de l’APPO ! Ulises, hors d’Oaxaca ! Tout le pouvoir au peuple !
Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (APPO)
17 novembre 2006