Nous publions une déclaration du Secrétariat national du PST (Parti socialiste des travailleurs - Algérie)
À la veille de la commémoration du 3e anniversaire du Hirak, le 22 février 2022, la répression a redoublé de férocité. Le climat de terreur qui régnait déjà auparavant a été renforcé. D’impressionnants dispositifs policiers sont déployés, comme cela a été constaté récemment à Kharata dans la wilaya de Bejaïa le 16 février, et comme en témoignent plusieurs nouvelles arrestations ciblées contre de jeunes activistes et contre des militantEs politiques et des droits de l’homme. Ils rejoignent ainsi plus de 300 détenuEs politiques et d’opinion, dont plusieurs dizaines sont en grève de la faim depuis le 28 janvier, et que le pouvoir de fait et les médias aux ordres n’ont pas vus.
Pas de solution policière
Le pouvoir de fait, loin de prendre les fameuses « mesures d’apaisement », promises par certains de ses relais, s’enfonce dans l’impasse du tout répressif et accentue, de ce fait, le musellement quasi total des libertés démocratiques dans notre pays. Dans ce contexte, plusieurs partis politiques de l’opposition démocratique et des associations indépendantes du régime subissent de plus en plus de pressions et de harcèlements policiers et judiciaires.
C’est le cas de notre Parti socialiste des travailleurs, qui fait l’objet d’une décision de suspension temporaire de ses activités et la fermeture de ses locaux. Une décision rendue par le Conseil de l’État le 20 janvier 2022, en dépit de notre mise en conformité avec la loi sur les partis et l’organisation de notre congrès le 24 avril 2021 dans les délais fixés par le ministre de l’Intérieur, comme l’attestent les procès-verbaux de notification par l’huissier de justice. Mais cet acharnement contre notre parti ne s’explique pas par le retard pris dans l’organisation de notre congrès, dans une conjoncture de pandémie. Sinon, pourquoi le FLN, dont le dernier congrès date de 2015, soit plus que la durée de cinq ans stipulée par la loi, n’est pas mis en demeure pour se conformer avec la loi ? Évidemment, cette histoire de congrès n’est qu’un prétexte pour faire taire notre parti et lui faire payer ses prises de position politiques et son engagement militant dans le Hirak et dans les luttes démocratiques, syndicales et sociales.
Pas de solution économique libérale
À la faveur du retour d’une aisance financière inespérée, et ce grâce aux rebondissements du prix du pétrole qui s’est envolé à plus de 93 dollars le baril, les mesures « sociales » annoncées par Teboune, notamment la suspension de quelques taxes promulguées par lui-même dans la loi de finances 2022 et l’instauration d’une allocation chômage revendiquée depuis plus de vingt 20 ans par le mouvement des chômeurs et la plateforme d’El Kseur en 2001, sont dérisoires et insuffisantes. Elles ne pourront ni cacher le désastre social, ni atténuer l’effondrement économique de notre pays. Elles ne pourront pas non plus maquiller le mal de vivre de notre jeunesse, rongée par le désespoir en un avenir incertain et la détresse d’un présent amer fait de Harga [émigration] et de Hogra [mépris, abus de pouvoir]. Cette situation catastrophique est le bilan de plusieurs décennies de politiques économiques libérales que le régime s’acharne à poursuivre pour assurer sa continuité. Ce sont des « mesurettes » annoncées à la veille de la commémoration du 22 février dans le but de désamorcer une explosion sociale qui se profile dans tout le pays. Il s’agit surtout d’éviter à tout prix la jonction possible d’une telle explosion sociale avec une nouvelle vague de mobilisation du Hirak. Car, si la centralité de la question sociale revient au devant des mobilisations populaires et ouvrières du Hirak de demain, c’est tout le projet économique libéral, qui a confiné l’État algérien au service d’une ultra-minorité d’oligarques, de quelques patrons privés et de multinationales, qui sera remis en cause. Sinon, pourquoi geler seulement des taxes, signées par le même décideur il y a quelques semaines, alors que les dispositions relatives à la suppression des subventions et des transferts sociaux sont maintenues ? Pourquoi annoncer la décision d’une allocation chômage maintenant alors qu’elle a été déjà budgétisée (secrètement ?) dans la loi de finances depuis novembre 2021 et mise sous embargo ?
Bien plus que ces « mesurettes », qui traduisent une navigation à vue au sommet de l’État, l’Algérie a besoin d’un vrai projet économique et social et d’une véritable stratégie de développement qui correspondent aux aspirations légitimes de la majorité des Algériennes et des Algériens pour la satisfaction de leurs besoins sociaux.
Bien plus que la suspension de quelques taxes, les travailleurEs et les masses populaires ont besoin d’une augmentation conséquente de leurs salaires et leurs pensions, qui passent au minimum par le doublement du SNMG [salaire national minimum garanti], permettant ainsi quelque rattrapage de leur pouvoir d’achat.
Bien plus qu’une allocation de chômage insuffisante et limitée, nos jeunes qui remplissent aujourd’hui les prisons et le grand cimetière qu’est devenue la Méditerranée ont besoin d’un emploi stable, durable et non précaire avec un vrai salaire garantissant leur dignité. Ils ont besoin de faire des études et des formations gratuites et accessibles pour tous et de meilleure qualité, d’une prise en charge sanitaire publique et gratuite de meilleure qualité aussi. Ils ont besoin de logements pour tous et pour toutes, de loisirs permettant leur épanouissement dans leur pays qui leur offre ainsi un avenir meilleur !
Il s’agit, comme le revendiquaient des millions d’Algériens et d’Algériennes pendant les grandes mobilisations du Hirak, d’un changement radical pacifique du système permettant la mise en œuvre d’une alternative démocratique et sociale au service des intérêts de la majorité de notre peuple, que constituent les travailleurEs, les jeunes, les femmes et tous les oppriméEs et les démuniEs, et non pas une poignée d’oligarques, de patrons privés et des multinationales qui pillent et privatisent notre État national et nos richesses. Il s’agit du recouvrement de la souveraineté populaire pleine et entière sur les choix politiques, économiques et sociaux de notre pays.
Pour l’élection d’une assemblée constituante souveraine !
À l’occasion de la commémoration du 3e anniversaire du Hirak du peuple algérien entamé en février 2019, le PST réitère son appel à la mise en œuvre d’une solution politique, démocratique et pacifique garantissant le recouvrement par le peuple algérien de sa pleine souveraineté. Cette solution exige la mise en place d’une période de transition démocratique, dans le cadre de laquelle sera organisé un débat national devant le peuple, permettant l’expression de façon égalitaire de toutes les opinions et les programmes politiques. Un tel processus constituant, démocratique et populaire, doit déboucher à terme sur l’organisation de l’élection d’une Assemblée constituante souveraine et représentative des aspirations démocratiques et sociales de la majorité de notre peuple. Cette assemblée dont la mission est l’élaboration d’une nouvelle Constitution à proposer au vote du peuple, gouvernera le pays dans l’intervalle.
Mais, préalablement, des mesures politiques d’urgence doivent être prises par le pouvoir de fait qui gouverne le pays aujourd’hui. Il s’agit notamment de :
– La cessation de la répression et le retrait des mesures et des dispositions juridiques liberticides ;
– La libération de toutes et tous les détenuEs politiques et d’opinion et leur réhabilitation ;
– La levée de toutes les entraves à l’exercice effectif de toutes les libertés démocratiques et syndicales, notamment les libertés d’expression, de manifestation, d’organisation, droit de grève et toutes les autres libertés et droits démocratiques et l’ouverture des médias à tous les courants politiques et d’opinion et à tous les citoyens de notre pays.
Le PST remercie toutes les organisations et les personnalités qui continuent en Algérie, dans le Maghreb et dans les différentes régions du monde, à lui exprimer leur solidarité contre sa suspension et la fermeture de ses locaux.
La lutte continue !
Alger, le 20 février 2022.