Par Yann Cézard
C’est ainsi qu’on veut nous vendre l’intervention militaire française au Mali.
Une guerre sans images, où l’on ne voit presque rien des victimes civiles des « dommages collatéraux » de la guerre française high-tech et des exactions de l’armée malienne.
Une guerre toute propre dans ses intentions, comme l’a dit, sans rire, François Hollande à Bamako : « La France n’a aucun intérêt au Mali. Elle ne défend aucun calcul économique et politique. »
Alors finie, la Françafrique ? Pure et immaculée, cette énième « guerre contre le terrorisme », où Hollande reprend la rhétorique de Georges Bush (Que faire des terroristes ? « Les détruire. »)
Comme d’habitude, on met en avant la crapulerie – bien réelle – de l’adversaire du jour, une variante de fascistes religieux, coupant les mains des voleurs, flagellant les débauchés, imposant leur dictature. Mais c’était déjà le cas avec les talibans. La réalité est évidemment plus complexe. La rébellion qui a pris le contrôle du nord du Mali est le fait de groupes islamistes comme Aqmi et Ansar Dine, mais aussi d’indépendantistes touaregs, comme le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad). Sous le surgissement soudain des « terroristes », il y a l’effondrement de tout un pays, le désespoir d’une jeunesse, l’abandon et l’oppression des habitants du nord d’un pays lui-même sous-développé.
Mais peu importe ! Pour faire la guerre il faut identifier simplement l’ennemi… et l’ami ! Voici donc mobilisées, et légitimées, des forces démocratiques bien connues : le dictateur tchadien Idriss Déby, les chefs d’Etat africains de la CEDEAO, l’armée malienne, qui a fait un coup d’Etat en mars 2012, la classe politique malienne corrompue. Et que dire de l’amie des Africains que serait subitement devenue la France, l’ancienne puissance coloniale qui n’a jamais desserré son étreinte économique et politique sur ses anciennes colonies, quitte à soutenir les pires dictatures ?
L’axe du bien contre l’axe du mal : c’est le retour de la bonne vieille propagande pour nous frapper de sidération et voiler les véritables objectifs de cette guerre.
Une guerre « sans intérêts » ?
La France ne chercherait pas à défendre ses intérêts économiques… Certes le Mali est pauvre. Mais la zone sahélienne, elle, est stratégique, avec le pétrole algérien, libyen, tchadien. Et tout près des zones de combat, dans une région peuplée majoritairement de touaregs, il y a l’uranium du Niger. Ce voisin du Mali, l’un des pays les plus pauvres du monde, deviendra en 2014 le deuxième producteur d’uranium avec l’ouverture de la mine d’Iroumanen, un investissement de 1,2 milliard d’euros du groupe français Areva. Cet uranium couvrira alors 100 % des besoins de l’industrie nucléaire française. Et à peu près 0 % des besoins sociaux de la population locale.
Pour le gouvernement français, il était hors de question de laisser qui que ce soit, nationalistes touaregs ou groupes djihadistes, perturber cette zone stratégique, et déstabiliser un peu plus l’Afrique de l’ouest. Car la France se veut encore et toujours le « gendarme de l’Afrique » pour tenir son rang dans le monde.
Et puis pourquoi François Hollande se serait-il privé de la joie de se donner un petit coup de pouce dans les sondages en jouant au chef de guerre ?
Une guerre sans fin ?
Les objectifs officiels de la guerre n’ont cessé de changer. Commencée pour couper la route de Bamako aux islamistes, elle a servi à reconquérir le nord du Mali. Maintenant il faudrait à la fois traquer les groupes terroristes et « gagner la paix » en « reconstruisant » l’Etat malien. La France commence déjà à refaçonner le pays selon ses intérêts.
Cela donnera les mêmes résultats qu’avant : aucun progrès social et démocratique pour les populations, la permanence de régimes politiques corrompus qui serviront d’autant mieux le tuteur néocolonial qu’ils seront coupés de leur peuple. Cet « ordre » sera fatalement déstabilisé à nouveau par des conflits. Qui justifieront à nouveau l’intervention néocoloniale.
Jusqu’à ce que les peuples d’Afrique parviennent à mettre enfin dehors les colons et leurs sbires locaux !