Lors de la campagne électorale puis dans les premières semaines du quinquennat, François Hollande et son gouvernement ont prétendu incarner le « changement » dans la protection sociale et la santé… La réalité montre que, au-delà de quelques mesures symboliques, ce n’était qu’affichage et effets d’annonce.
La TVA prétendument « sociale » instaurée par Sarkozy a été abrogée, le forfait de 30 euros imposé aux immigrés pour accéder à l’Aide médicale d’état a été supprimé. Des négociations entre l’assurance maladie et les syndicats médicaux ont été ouvertes pour encadrer de manière plus stricte les dépassements d’honoraires. La place centrale de l’hôpital a été réaffirmée, accompagnant la suppression de la « convergence tarifaire » entre l’hôpital public et les cliniques privées. Un « pacte de confiance pour l’hôpital » est annoncé. Le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2013 (PLFSS), actuellement en discussion au Parlement, prévoit un remboursement à 100 % de toutes les méthodes d’IVG, et les victimes d’accidents de travail et maladie professionnelles seront mieux reconnues.
La politique du Parti socialiste marque-t-elle sinon une rupture, du moins une inflexion significative par rapport à la politique de destruction du service public, de privatisation de la santé et de la sécurité sociale appliquée depuis 10 ans par la droite ?
Les premières mesures prises ou annoncées, et notamment le PLFSS 2013, permettent d’apporter une réponse : le nouveau pouvoir exécutif « de gauche » s’inscrit dans la même logique que ses prédécesseurs de « lutte contre les déficits publics ». Au nom de la « compétitivité » et de la « baisse du coût du travail », il entend procéder seulement à quelques aménagements marginaux, en maintenant voire en accélérant les contre-réformes.
Dans le dernier numéro de cette revue, nous avons abordé la question du financement de la protection sociale, avec le basculement des cotisations sociales vers la CSG (et éventuellement d’autres taxes). Nous traiterons ici de la politique de santé du gouvernement, dans le domaine de l’accès aux soins et de la politique hospitalière.
Une amélioration de l’accès aux soins ?
En France, une personne sur quatre renonce à des soins pour des raisons financières. La part des soins restant à la charge des patients s’est considérablement accrue au cours des dix dernières années et atteint un niveau insupportable. La cause fondamentale de cette situation est la réduction de la part des soins remboursée à tous par l’assurance maladie (branche santé de la sécurité sociale), par l’instauration des franchises1, l’augmentation du forfait hospitalier (désormais de 18 euros), le déremboursement de médicaments pourtant indispensables aux patients, les dépassements d’honoraires, les tarifs de plus en plus élevés des assurances complémentaires.
Sur les franchises, l’une des mesures les plus impopulaires de Sarkozy, combattue par le PS dans l’opposition, Hollande et son gouvernement ne trahiront pas leurs engagements, puisqu’avant même d’être élus, ils avaient annoncé… qu’ils ne feraient rien ! La taxe sur les mutuelles est également maintenue dans le PLFSS, tout comme la taxation des indemnités journalières des accidentés du travail.
Les « dépassements d’honoraires » sont le seul point sur lequel le gouvernement affirme nettement sa volonté d’agir. Instauré en 1980, le « secteur 2 » « à honoraires libres » permet aux médecins qui en font partie de fixer leurs honoraires au dessus des tarifs remboursés par la sécurité sociale. La différence est à la charge du malade ou de son assurance complémentaire. Les dépassements d’honoraires sont passés en dix ans d’un montant estimé à 900 millions d’euros à 2,5 milliards. Selon Marisol Touraine (Quotidien du Médecin du 16 juillet), « il y a des territoires dans lesquels il est devenu quasiment impossible de trouver un médecin au tarif opposable. »2
Mais d’emblée le gouvernement a fixé les limites de la négociation : non pas interdire les dépassements, mais les encadrer pour éviter les « abus ». Le vrai problème n’est pourtant pas celui des dépassements exorbitants effectués par quelques spécialistes, s’adressant à une clientèle fortunée. Ce sont les dépassements, courants, « normaux », pratiqués massivement par un grand nombre de praticiens et qui rendent infranchissable l’accès aux soins pour une partie de la population. L’encadrement ne résout donc rien.
Mais pour le PS, la priorité est la maitrise des dépenses de sécurité sociale. Donc pas question de remettre en cause l’accord passé depuis 32 ans, sur le dos des malades, entre les gouvernements de droite ou de gauche et les syndicats médicaux pour bloquer la part des actes médicaux remboursée par la sécurité sociale en contrepartie d’une liberté (fût-elle encadrée) pour le médecin de facturer des dépassements payés par le malade ou par son assurance complémentaire.
Au moment où nous écrivons, une « solution » vers laquelle s’orientent les discussions serait la prise en charge d’une partie des dépassements par les assurances ou mutuelles complémentaires. Présentée comme une avancée vers un meilleur remboursement des soins, elle constitue en fait un nouveau pas dans le démantèlement de la Sécu, réduite à une couverture minimum. Dans cette logique, l’accès aux soins suppose en effet un recours accru à l’assurance individuelle.
Nouvelle politique hospitalière ou aménagement de la loi Bachelot ?
Entre 2003 et 2007, sous le nom de « plan Hôpital 2007 », s’est mise en place une contre-réforme globale du système de santé qui a été complétée par la loi Hôpital Patients Santé et Territoires (plus connue sous le nom de « loi Bachelot). Le pivot de cette réforme est la tarification à l’activité (T2A).
L’hôpital ne reçoit plus un budget lui permettant de remplir ses missions, il est rémunéré d’après sa « production »… de soins. Grâce à une tarification identique, hôpitaux et cliniques commerciales peuvent être mis en concurrence. La T2A constitue aujourd’hui l’essentiel (75 %) des ressources des hôpitaux généraux.
Le gouvernement affirme vouloir redonner sa place à l’hôpital et reconnaitre par un financement spécifique ses missions de service public. Il a annoncé sa décision d’abandonner en 2013 la « convergence tarifaire » entre cliniques commerciales et hôpital public, qui les mettait directement en concurrence alors qu’ils n’accueillent ni les mêmes malades ni les mêmes pathologies.
Toute mesure sérieuse en ce sens devra être soutenue, mais au-delà des annonces, le changement risque là aussi d’être bien mince. La tarification à l’activité ne sera pas supprimée mais aménagée. Le fonctionnement du service public sur le modèle de l’entreprise, avec pour premier critère la rentabilité et la productivité, est donc maintenu.
Redonner sa place à l’hôpital supposerait de lui en donner les moyens, c’est-à-dire mettre fin à la cure d’austérité qui lui est imposée et qui se traduit par des budgets insuffisants, des suppressions d’emplois, l’obligation d’emprunter auprès des banques pour rénover le matériel et les infrastructures. Or le PLFSS 2013 poursuit la même ligne d’austérité budgétaire que les gouvernements précédents. Il entend même imposer à l’hôpital 657 millions d’économies supplémentaires. Ce qui signifiera de nouvelles suppressions d’emplois, « compensées » par 4 000 « contrats d’avenir » précaires et non qualifiés.
Les restructurations, les fermetures de lits et de services voulues par la loi Bachelot vont donc continuer. Cette loi ne sera pas abolie mais seulement aménagée. Le gouvernement se situe là également dans la continuité en affirmant sa volonté de cantonner l’hôpital à des missions restreintes, en lui substituant des dispositifs libéraux (maisons médicales…) ou médico-sociaux. Moins de service public, plus de secteur libéral, commercial ou de médico-social à bas coût, telle est son orientation, C’est pourquoi le pouvoir des ARS (Agences régionales de santé), pivot de la loi Bachelot, est maintenu.
Plus que tout discours, la vérité de la politique gouvernementale se trouve dans les chiffres du PLFSS 2013 : une augmentation de 2,7 %, c’est-à-dire 2,5 milliards supplémentaires d’économies sur les dépenses d’assurance maladie. Sarkozy, lui, préconisait 2,5% !3
Une résistance européenne
Pour la santé, la « règle d’or » et l’austérité c’est donc maintenant ! Ce gouvernement, comme ses homologues européens de gauche et de droite, est engagé dans la même politique de restriction des soins accessible à tous, de marchandisation et de privatisation de la santé.
Cette politique doit être combattue, au même titre que l’ensemble de la politique d’austérité de ce gouvernement. Ce n’est pas seulement l’affaire des professionnels de santé, mais celle de tous les salariés, de leurs syndicats interprofessionnels, du mouvement social et des partis. C’est le mérite du collectif « Notre Santé en Danger »4, dont le NPA est membre, de poser les bases de cette résistance.
C’est dire aussi l’importance de fédérer la mobilisation au niveau européen autour du réseau européen contre la marchandisation et la privatisation de la santé, à l’origine de la première semaine d’action coordonnée sur cette question en Europe, qui a eu lieu du 1er au 6 octobre 2012. o
1. Un euro sur chaque acte médical, 50 centimes sur les actes paramédicaux et les boîtes de médicament, deux euros sur les transports sanitaires à la charge du patient.
2. C’est-à-dire au tarif remboursé par l’assurance maladie.
3. Lors de sa campagne, Hollande avait annoncé 3 %.
1. Qui regroupe plus de 100 associations, collectifs de défense, syndicats et partis.