Deux millions d’inscritEs, 56 % de participation : les élections dans la fonction publique, dont les résultats doivent être analysés avec attention, représentaient un défi pour le gouvernement et pour les syndicats.
Avec plus de 2 millions de fonctionnaires appelés à voter, les élections professionnelles dans la fonction publique représentaient à la fois pour le gouvernement et pour les organisations syndicales un enjeu de taille. Le nouveau dispositif électoral s’inscrivait dans le cadre de la réforme de la représentativité et était donc susceptible de bouleverser le paysage syndical parmi les salariéEs de l’État. L’objectif de la manœuvre consistant à renforcer les organisations les plus favorables au dialogue social au détriment des plus revendicatives.
Une fois les résultats connus, et avec un peu de malhonnêteté, la presse a annoncé un succès de Force ouvrière, devenu premier syndicat dans la fonction publique. Ce n’est pourtant que la conséquence de la désorganisation du vote dans l’Éducation nationale, qui en faisant baisser la participation de 20 % dans le secteur, fait perdre 3 % à la FSU globalement. Cependant, les résultats sont à examiner de beaucoup plus près pour pouvoir en tirer quelques enseignements. Surtout, les mobilisations contre la poursuite et les conséquences des politiques de régression sociale (RGPP, suppression de postes dans l’Éducation et à l’hôpital) devront constituer un second tour aux enjeux plus décisifs.
Des secteurs en demi-teinte
À France Télécom, le recul de la CGT (-3,8 % à 22,6 %) et de SUD (-3,8 % à 18,6 %) et la progression des syndicats plus corporatifs et moins radicaux s’inscrit dans un contexte de durcissement des conditions de travail, rendu visible par les suicides, mais qui ne débouche pas sur des ripostes collectives.
Dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux publics (956 000 agents), la participation a chuté de 58 % en 2007 à 51 % en 2011. Elle témoigne de la morosité qui règne après la mise en place, sans réactions significatives, de l’hôpital-entreprise, et de la réforme des retraites. Les instances apparaissent aux yeux d’un nombre croissant de salariéEs, comme inefficaces pour défendre leurs acquis statutaires, s’opposer aux restructurations et défendre leurs conditions de travail. Le nouveau mode de scrutin défavorise les plus petites organisations, ce qui explique le léger tassement de SUD Santé Sociaux à 8,64 %. La progression significative de la CGT de 2 points à 33,38 % la place nettement en tête des trois grandes fédérations (CFDT 24,43 % et FO 22,93 %) et témoigne d’une préférence pour une organisation qui apparaît moins compromise dans les contre-réformes, et dont les équipes locales ont une attitude souvent plus combative que les sommets fédéraux.
La combativité peut payer !
Aux Finances et en particulier à la Direction générale des finances publiques (DGFIP), la participation a été élevée avec plus de 80 % au ministère et 86,7 % à la DGFIP. Dans un contexte de restructurations profondes au nom de la RGPP, de fusion détériorant les conditions de travail, la CGT et Solidaires, les deux organisations syndicales les plus combatives, sont les grandes gagnantes.
À La Poste, plus grosse entreprise de France (+ de 260 000 salariés), les élections ne révèlent à première vue aucun changement majeur. La participation est élevée malgré un tassement (76,29 % contre 80,7 % en 2007) dû probablement au vote électronique et par correspondance. La CGT reste le premier syndicat malgré une érosion de 3,37 % à 29,33 %, SUD est en seconde position et progresse très légèrement (+0,28 % au Comité technique national à 25 %), la CNT (absente en 2007), recueille 1,65 %. FO et la CFDT gagnent respectivement 1,48 et 1,09 %. Il n’y a pas de percée du syndicalisme combatif, incarné principalement par SUD, et sa faible progression globale cache des disparités importantes. Là où des conflits se sont déroulés, les organisations les plus combatives en ont profité. Dans le 75, le 91 et le 92, SUD réalise ses meilleurs scores nationaux. Si nationalement SUD progresse de 3 % chez les contractuels de classe 1 (les plus jeunes et les moins bien payés), dans le 92, la progression est de 15 % pour atteindre 65 % des suffrages au niveau des activités courrier.
Éducation nationale : entraves électorales
Cette année, tout avait lieu par informatique. Plus de vote dans les établissements ni par correspondance. L’incurie (teintée de volonté politique...) de l’administration a fait que des dizaines de milliers d’électeurs se sont retrouvés dans l’impossibilité de voter. Pour les autres, le parcours était rude et dissuasif aboutissant à des milliers de pertes en ligne ! Résultat : une baisse de 25 points de la participation de 63 à 38 % sur 957 000 inscrits. On aurait voulu « délégitimer » les représentants élus face à l’administration et amoindrir le poids des personnels de l’EN dans la FP que l’on ne s’y serait pas pris autrement ! La FSU maintient son avance à 41 % (-0,5), loin devant l’Unsa à 21 % (stable). Viennent ensuite FO à 10 % (+3), la CFDT à 10 % (+1,5), la CGT à 6,5 % (+0,7) et Solidaires à 5,8 % (+0,8).
Robert Pelletier, avec correspondants